Pierre Cravan – Inutiles Berceuses
Pierre Cravan
Autoproduction
Originaire du sud de la France, Pierre Cravan a connu sa première expérience musicale au sein du groupe de metal progressif Syrinx, basé à Manosque et auteur d’une unique démo furieusement influencée par le meilleur Rush. Dans la foulée de ses brillantes études scientifiques, plutôt que de se reposer dans un confort bourgeois en épousant une carrière toute tracée d’ingénieur, il décide de se consacrer corps et âme à sa passion pour la composition. C’est ainsi qu’il étudie le jazz et l’improvisation au conservatoire, ainsi que l’harmonie classique et l’écriture d’arrangements pour orchestre. Il s’exile ensuite dans la région parisienne où il multiplie les collaborations, au sein de nombreux projets de prog’ ou de jazz-rock (citons, à cet effet, son expérience particulièrement probante au sein du combo EkyNox). C’est en 2009 qu’il réalise son premier album solo baptisé « Le Vol Blanc De L’Effraie », sur lequel il écrit tous les titres, enregistre l’ensemble des instruments et réalise le mixage.
Quatre ans plus tard, l’abbé Cravan (private joke) sort un nouvel opus baptisé « Inutiles Berceuses » sur lequel il est, une fois encore, seul maître à bord après dieu. Il y donne un bon coup de pied dans la fourmilière des idées reçues sur ce qu’il faut faire et ne pas faire, avec un anticonformisme tranquillement assumé. Point de rock évolutif ici, mais onze chansons devant tout autant à Thiéfaine et Higelin qu’à Jean-Louis Murat et à feu Bashung, avec des textes soignés et mystérieux – dans ce domaine on pense parfois à Rimbaud et Lautréamont, notamment sur le très beau morceau de clôture « Seul Le Vent » : « Quand le monde entier fit silence pour m’écouter, alors que le cancer bleu avait desséché leurs yeux, j’ai revêtu le rictus arrogant de la démence, j’ai chanté comme un millier d’oiseaux, dansé comme le torrent le plus fou, seul le vent est resté pour m’admirer« .
Musicalement parlant, les titres en question sont empreints du coefficient de bizarrerie inhérent au bonhomme et c’est assez sain même si cela filera la diarrhée verte aux ayatollahs progressifs. Ces « inutiles berceuses » se font en effet tour à tour le chantre d’une pop mâtinée de folk décalé (« Un Cerf-Volant »), d’un rock brut de pomme (« L’Affection Des Fous »), d’un hard électro-symphonique (« Pas-Vu ») ou d’un blues rocailleux, tendu et sombre (« Au Confluent Du Blues & De L’Ivresse »).
L’intensité qui en résulte fait largement passer certaines approximations et imperfections mineures, du reste visiblement assumées (notamment au niveau des parties vocales, encore largement perfectibles). On a affaire, au final, à un album intéressant qui donne un coup de pied au cul salutaire aux clichés politiquement corrects. Vivement la suite, donc !
Bertrand Pourcheron (7/10)