Phoenix Again – Look Out
Phoenix Again
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Troisième CD enfanté par ces talentueux musiciens transalpins après les très bons « ThreeFour » en 2010 et « Live In Fiero » en 2012, « Look Out » apporte la preuve que l’on ne change pas une formule qui gagne. Tout au plus, la formation a-t’elle apporté quelques améliorations sonores avec, en particulier, un travail plus élaboré sur les sonorités de claviers et une prise de son davantage aboutie. En fait, c’est comme si Phoenix Again s’était établi un cadre esthétique entièrement instrumental et qu’il cherchait davantage à le peaufiner sans cesse plutôt que d’en sortir. On ne remettra donc pas sur le tapis la vieille querelle entre, d’un côté, l’idée d’une démarche sans cesse novatrice et avant-gardiste et, de l’autre, celle d’une certaine orthodoxie et d’une tradition bien ancrée. Le groupe nous démontre ici, qu’au fond, l’essentiel est de véhiculer du sens et de l’émotion et il s’y emploie avec un rare brio. Une nouvelle fois, il n’y a rien dans ce disque qui soit dû au hasard : chaque note, chaque séquence, chaque phrase trouvent parfaitement leur place au sein et au service d’une création étincellante.
Sergio Lorandi (six-cordes et guitare acoustique), Marco Lorandin (six-cordes), Andrea Picinelli (claviers, mellotron et violoncelle), Antonio Lorandi (basse), Silvano Silva (batterie) et Giogio Lorandi (percussions) nous offrent ainsi huit pièces ambitieuses qui font leur miel de l’hybridation stylistique. Le premier morceau, intitulé « Adso Sa Melk », constitue à cet effet un modèle du genre : introduction sur fond de chants grégoriens et de sonneries de tocsin puis motif mélodique lancinant et répétitif, interprété par une guitare acoustique mélancolique, avant que l’ensemble s’électrise sous la houlette de Marco Lorandin (digne émule de Steve Hackett) puis s’engage sur des terres jazz-rock de grande qualité (on pense au Pat Metheny de « Bright Size Life ») avant de se clôturer sur un thème de cirque. On pressent donc d’emblée un grand album évoquant, par son originalité, sa diversité et son intensité, les meilleures œuvres d’After Crying (« De Profundis ») et d’Isildur’s Bane (« Mind – Volume Two »). Mais que les choses soient claires : on parle ici du fond et non de la forme.
Et la suite est, en effet, du même acabit. Le combo montre, sur des pièces de la pointure de « Oigres », « Look Out » et « The Endless Battles » qu’il sait offrir des mélodies convulsives, traversées par des dissonances typiquement crimsoniennes. Dans le même temps, Phoenix Again dessine des lignes harmoniques subtiles, aux consonances douces et amères, qui donnent la chair de poule (« Summer », « Invisible Shame » et la petite merveille acoustique qu’est « Dance Of Three Clowns »). Un grand groupe est en train d’éclore : sachons le soutenir et en parler autour de nous !
Bertrand Pourcheron (8,5/10)