Pharmakon – Abandon
Pharmakon
Sacred Bones Records
Je me disais, ça faisait un p’tit bout de temps que je n’étais pas parti à la pêche de musique noise. De plonger, bonnet de bain à l’appui, dans ces océans de noirceur, croupir dans cette fange, mixture de larsens, basses granuleuses, cris, susurrements, ambiance mortifère au possible schlinguant la putréfaction morale, la décomposition, le grouillement des vers sur le corps. Tout un programme, une démarche même à laquelle je ne m’attache plus trop, mais quand un projet sort un peu cette ombre qui pue le charnier, mon reniflement caractéristique s’accélère et mes oreilles se sentent aiguisées à subir les assauts mi-bruitistes, mi-sournois de Pharmakon. Bon j’avoue, j’avais un peu suivi l’actualité de la new-yorkaise Margaret Chardiet (dont c’est ici le premier véritable album). Les ambiances et les pestilences que la jeune artiste (plus que musicienne) souffle à la tronche de son public sont pour le moins déterminées. Un bon côté old-school analo qui crachouille, une pauvreté des moyens au service d’une mise en scène quasi-théâtrale, et même des parties vocales passées au vocoder, ça rappelle bien les années 90.
Là, je pourrais très bien m’arrêter d’en dire davantage. En effet, des centaines de projets pullulent où l’aspect visuel compte finalement plus que l’expérience sonore, provocations plus ou moins simplistes à l’appui, Pharmakon sait tirer son épingle du jeu, sachant jongler entre une ambiance sourde et poissarde death-industrial rappelant furieusement Brighter Death Now (Hmm, ces roulements de basses) et des attaques aussi vicieuses que des épingles plantées sous les ongles. On échappe à l’agression noise, gratuite et rapidement soulante, mais on garde un climat abrasif étouffant (l’épique « Sour Sap »). Les voix de la demoiselle, plus des cris, des soubresauts maladifs rendant compte d’un épuisement intellectuel et d’une négation psychotique qui, comble du malaise, sont mixées en retrait, nous rendant spectateur d’un supplice qu’on observerait derrière une cage.
Une violence latente donc, mais foutrement efficace, et dont l’empreinte reste sensible même après lecture de l’objet. Une expérience extrême, gentiment malsaine et sulfureuse, qui donne presque envie de se mettre des vers sur la culotte ou le slip tout propre en se regardant Evil Dead !
Jérémy Urbain (7,5/10)