Paramnesia – Paramnesia
Paramnesia
Les Acteurs de l’Ombre
D’abord c’est le néant. Rien, que dalle, le vide, immense, immuable, vous voyez ? L’atmosphère se pose d’elle-même, la pochette et ses détails pointilleux, haptiques, ne me quittent pas des yeux. Je suis englouti, aspiré par une bourrasque, non, plus grand, une tempête. Mon corps vole, ballotté au milieu de vents contraires. Je ne sens plus rien, je ferme les yeux. Une poussière dans un tourbillon de matières noirâtres et de brumes adipeuses. Je fais le tour incessant de ce globe. Un moment, je longe la surface au point que mes doigts gèlent. L’instant d’après je suis dans une semi profondeur aérienne. Tout est noir, je ne distingue plus mes bras, ce brouillard plus ou moins indistinct et surnaturel s’amuse à créer des serpentins gluants autour de mes poignets. Et moi, je regarde, contemple, imagine, avant d’être happé dans une autre rafale. Une brève accalmie me permet de contempler ce paysage, je crois que je souffle là, peut-être. Une fois revenu dans la réalité, je me rends compte que le premier titre de l’album est passé.
Courte pause. Puis, ces accents dissonants, cette vapeur souffreteuse hérité de Deathspell Omega percent la surface du dôme et ouvrent les portes. J’ai l’impression de ne plus être dans mon corps mais de l’observer depuis une position supérieure, astrale, pour rester dans le jargon. Depuis longtemps, vague après vague, je n’avais pas ressenti cette impression de voyager. Fermer les yeux et y dessiner des paysages mentaux, sans limites, comme seuls les groupes de black peuvent me le faire faire. Il faut comprendre que, dans ce cas, mon cerveau est en ébullition constante. Et que ce premier album soit capable de me procurer ce genre de sensations que je croyais définitivement perdues (mais déjà vécues), désolé, mais c’est du pain béni pour ma gueule et mes oreilles au passage.
De la première à la dernière seconde, et pendant que le second et dernier titre envahissent mon espace d’écoute, je ne peux m’empêcher d’imaginer ma main munie d’une plume en train de dessiner un horizon bigarré sur des points de fuites impossibles, une architecture faite de rocades, de voûtes, d’escaliers en colimaçon qui mènent à l’inconscient, aux ressacs morbides de ma tête et des personnages semi-abstraits voguant dans un espace qui ne l’est pas moins. J’invente ma narration, mon ambiance, mon histoire, Paramnesia est mon fil conducteur. Combien de fois, j’ai posé ma main sur la pochette vinyle, positionnant mes doigts aux endroits indiqués (les détenteurs de la chose comprendront), comme le premier geste d’un rituel d’invocation.
Pour être clair, ce que j’avais perdu, je l’ai retrouvé, redécouvert : sensation de danger, oppression, ne pas savoir où je pose les pieds. Impression d’un amas solide devenant gazeux puis liquide, avant de redevenir une masse compacte que le granit le plus noir ne peut pas érafler. Effet garanti. Et « V » donne des signes de ralentissements. Les arpèges diminuent, et pourtant rode encore le résidu comme une poussière dans l’air, celui qui reste après écoute, celui dont on se souvient et qui revient comme une ritournelle qui refuse obstinément de lâcher ce putain d’hameçon.
Paramnesia fait partie de ceux-là, on ne l’oublie pas. En cela, les strasbourgeois marquent la barre bien haute. Le black-metal n’est pas qu’affaire de violence mais d’atmosphère, de senteurs, d’imagination, d’univers cohérent, et celui de Paramnesia est des plus homogène (http://businessforsatan.tumblr.com/). Donc, non, je ne vais pas tergiverser et me prendre la tête avec des explications douteuses et des images foireuses, cet album est une tuerie. Un pied dans le passé, un autre dans le présent, et il égrène le futur, en deux titres.
Note pour le groupe : et si un tatouage est possible, je suis d’accord pour faire le déplacement jusqu’à Strasbourg. L’appel est lancé 😉
Jéré Mignon (9/10)
http://paramnesiablackmetal.blogspot.fr/
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