Neurosis – Times Of Grace
Neurosis
Relapse Records
Cette chronique est encore placée sous le signe de l’objectivité. L’oppression par l’émotion. À moins que ce soit le contraire ? Je ne sais pas. Neurosis me fait toujours cet effet. L’incertitude de ce qu’on entend, de ce que l’on croit saisir. Un message constamment codifié, un labyrinthe où il fait bon de s’y égarer. Ce dédale, je m’y promène et j’adore m’y perdre. Tant de lieux, tant d’appartenances. Quel est le retour ? Peut-être aucun. Une forêt, des montagnes, les fantômes de guerriers disparus, faisant résonner leurs cornemuses. Un million de torches dessinant sur le flan de la colline. Serpent de feu, brasier d’un millier de chien-loups. Tous hurlent à l’unisson. Les Hommes s’immobilisent. Ils ne peuvent faire que ça. Sentir l’herbe qui brûle, écouter ces feulements crépusculaires, cette profondeur, cette frontalité. Elle prend les mains, les bras, les épaules. L’échine se courbe. On croit revivre une aventure antérieure.
On recherche, yeux hagards, les masses grouillantes de serpent qui s’entremêlent, la main du titan qui écrase le monde, anéantissant le ciel. Non, cette expérience prend une autre tournure, un nouveau sens. Les bourrasques se font plus courtes, les flammes dansent, glissent. Elles ne font qu’un avec l’être, Homme, animal. À moins que je sois un animal ? Crocs sortis, gueule béante, je jette un regard triste. Ma rage, je la sors, brute. Impression. Cris primaux. Je recherche une ambiance. L’atmosphère est mon chant de bataille. Un coup de marteau sur une enclume n’est pas une technique, mais une texture. Je jette un regard triste. Une voix répond, gutturale, chaude aussi. Elle semble désespérée. L’environnement se tait face à son souffle plaintif. Tout juste reste-t-il le sable qui crisse, les pierres qui roulent. Finalement, c’est le trou noir et le feu n’y changera rien. Statue de bas-relief. Le labyrinthe se fige, l’animation du flambeau, tout…
Les yeux sont révulsés, le vent donne des signes. Sa rage est intacte, la colère n’a pas de raison de stopper. L’abîme s’étend à perte de vue, le paradoxe est plus que jamais conscient. Je tourne et à jamais ma bouche restera ouverte, bloquée. Rictus des abysses. Un regard triste. Je t’emmerde le désespoir ! Tu n’es rien. Je suis abattu, mais mon acharnement sera sans faille. Et le feu me soutiendra. Je t’emmerde !! Je porte une fureur composée et mon âme te bouffera. Je t’emmerde…
Jérémy Urbain (Nuff Said/10)