Neronoia – Mi Piaceva Una Vita

Mi Piaceva Una Vita
Neronoia
2016
Eibon records

Neronoia Mi piaceva una vita

Après son troisième opus Sapore Di Luce, sorti fin 2013 et chroniqué l’an dernier dans nos pages, Neronoia nous revient très en forme (si l’on peut le dire…) avec un nouvel opus tout aussi sombre et mélancolique, limite dépressif, dû en partie à la voix abyssale et ténébreuse du chanteur/vocaliste Gianni, sans oublier la photo du digipack, représentative du climat qui règne ici. S’y ajoute sur certains titres la voix féminine d’Arianna, conférant un peu d’air et de lumière à cet opus oppressant. Ce qui est moins un défaut qu’une ambiance assumée, une tonalité et une signature pour ce groupe inclassable dont les titres courts se classent entre doom mélancolique et dépouillé, darkwave gothique et une sorte de post-rock, voire de « dark ambient avec lyrics » (en voix parlée plus que chantée). Le groupe lui-même revendique les étiquettes ambient dark doom experimental industrial, excusez du peu ; aucune erreur dans cet énoncé. Mais malgré l’absence d’intros longues ou de titres purement instrumentaux, la bande-son est hyper travaillée et laisse la part belle aux claviers, effets et samples dus à la patte inimitable du leader Mauro Berchi, véritable sorcier des studios,

La chronique du précédent album faisait le lien entre ce groupe assez peu connu en France (ce qu’explique l’usage de la langue italienne ?) et Canaan, autre formation inclassable et tout aussi originale du même Mauro Berchi. Un groupe qui a sans doute un peu moins de mal à franchir les frontières – y compris les nôtres -, par l’usage de lyrics en anglais s’ajoutant à une approche plus prog, très inventive et complexe. En revanche et comme toujours, en plus de l’italien, Neronoia privilégie aussi le « format court » sur un album concept composé de 10 « phases » d’environ 4 minutes comme autant de chapitres d’un bref roman (une allusion littéraire pas si gratuite que ça, comme on verra plus loin).

Le chant et le livret exclusivement en italien nous privant de l’accès à une dimension de cet opus conceptuel, l’auteur de cette chronique ne pourra guère vous en dire plus. On pressent qu’il s’agit d’un homme et d’une femme (les deux voix présentes sur l’album, parfois en duo), de vies difficiles et d’amours contrariées, d’un assassinat au couteau ; bref, d’une histoire sombre et glauque, en accord avec la tonalité très dark de la musique et du digipack. Une sorte de polar mis en musique.

Neronoia Band

Le digipack à six volets contient, luxe inouï, un double livret : l’un pour les lyrics (non traduits, hélas), le second étant une sorte de mini-roman, plus développé, mais lui aussi réservé à qui pratique la langue italienne. Les photos noir et blanc et la qualité de présentation luxueuse hors normes, non standard, en un mot, font de ce digipack un véritable écrin à la musique et un superbe objet collector, bien en phase avec la philosophie inébranlable d’Eibon et de son fondateur Mauro Berchi, à savoir : perpétuer le CD physique, envers et contre tout, malgré les menaces pesant sur ce marché en déclin. Une obstination et un courage dont on espère qu’ils seront récompensés lorsque ça nous vaut de tels objets, aussi beaux qu’un livre d’art. S’y ajoute donc le risque assumé de la langue italienne mais, on vous le promet, ça n’est en rien un problème sur cet opus, fasciné que l’on est par la voix grave, dark, voire sépulcrale de Gianni Pedretti, proche de celle d’un Brendan Perry. Celle-ci est superbement mise en avant par une prise de son assez diabolique qui en amplifie encore l’impact, bien plus que sur leur opus précédent, en pur contraste avec la voix chantée d’Arianna, plus fragile (quoique…) et qui vient s’intercaler avec la sienne sur quelques titres.

Cette voix en parlar cantando (comme on dit dans la musique classique) pourrait s’avérer monotone sur la durée (même 42 minutes, ça pourrait être long pour un texte quasi parlé, et en italien qui plus est), mais ça n’est même pas le cas, grâce au talent et à l’imagination des musiciens pour créer des ambiances sonores sur mesure supportant cette narration et la mettant en valeur, comme dans un polar bien noir.

L’album multiplie contrastes et hybridations, notamment entre le « format chanson » somme toute classique des titres brefs et le concept global, perceptible via son unité tonale et une recherche poussée sur les ambiances, les sons et les effets. Ce que l’on trouve en général dans des genres musicaux plus développés dans la durée (prog ou ambient, pour ne pas les nommer, genres que le leader développe plus largement avec son groupe Canaan). Ici, au-delà de la voix parlée abyssale soutenue par un panel instrumental issu du pop-rock dopé par les effets, on notera l’absence de recours à toute violence ou virtuosité instrumentale, avec des tempos systématiquement lents mis au service d’une musique plus climatique et ambient que rock ou même post-rock.

Alors, que l’on comprenne ou non l’italien, Neronoia, c’est du très lourd, un pavé dans la mare, délicieusement glauque. Plus encore que leur précédent album récemment chroniqué, cet opus dark wave hors normes « parlera » à tous les amateurs de post-rock ou d’ambient (voire de dark ambient), mais pas que… Certes, les fans de metal prog à la Dream Theater en seront pour leurs frais et regretteront sans doute l’absence de morceaux de bravoure, riffs de guitares rageurs, variations de rythme et tempos rapides ici et là pour briser l’uniforme mélancolie de cet opus, mais comme pour l’ambient, le concept développé s’y prête, et l’immersion totale s’impose, nous imposant sa noirceur absolue. Une expérience à tenter.

Jean-Michel Calvez

http://www.neronoia.tk/

http://www.eibonrecords.com/

http://neronoia.bandcamp.com/

Extraits en écoute ici et

Un commentaire

  • Lucas Biela

    Original et intrigant. Curieux que leur page bandcamp s’arrête à 2008 (avec 2 albums qui sonnent tout aussi bons, davantage orientés gothic rock, à la manière des Fields of The Nephilim période Elyzium).

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