Neronoia – Sapore Di Luce Et Di Pietra

Sapore Di Luce Et Di Pietra
Neronoia
2015
Eibon records

Neronoia Sapore Di Luce Et Di Pietra

Le label Eibon pourrait être à lui seul le pendant musical de Clair & Obscur, traduction sous forme de label de la formule à spectre large : « musiques progressives, texturales, extrêmes, alternatives ». Depuis 1996, son catalogue d’une centaine de titres offre un peu – non, des tonnes ! – de tout cela, du post-rock jusqu’au power electronics en passant par le dark ambient et le drone. Mauro Berchi (qui est aussi leader et multi-instrumentiste de l’excellent groupe Canaan sur ce label) dirige Eibon, et milite depuis des années pour le CD physique, plutôt que le mp3 ou les diverses formules de téléchargements et autres immatérialités, sans obtenir tous les résultats que mériteraient son engagement total et ses opus. En plus de leur haute qualité dans tous les registres cités, ceux-ci sont toujours des objets magnifiques et de véritables collectors, vu les séries de plus en plus limitées que peuvent encore se permettre les labels indépendants qui résistent à la « tempête immatérielle » qui secoue le monde de la musique ; vous savez, un peu comme ce fameux village gaulois dont tout le monde connaît les aventures ! Sauf qu’ici, le label est italien mais, vu qu’il est milanais et non pas romain, l’honneur de la Gaule est donc préservé ?

Neronoia est une sorte de double ou de side project (chanté en italien) de Canaan, le groupe de Mauro Berchi, avec le talent qu’on lui connaît pour créer des atmosphères sombres et mélancoliques. Neronoia, c’est donc Canaan (pour le côté obscur/dark wave) + la voix de Gianni Pedretti, chanteur du groupe Colloquio (pour la couleur synth pop et l’usage de lyrics en italien). Vu sa filiation directe avec Neronoia (les musiciens sont les mêmes), un mot en passant sur Canaan : si vous avez raté ce groupe jusqu’à ce jour, malgré 7 albums sortis depuis 1996, il faut absolument écouter « The Unsaid Words », véritable chef d’œuvre méconnu. Une sorte de dark wave mêlé de gothique mêlé de doom metal mêlé de néo-dark prog mêlé de post-rock atmosphérique mêlé d’une pincée de noise mêlé d’ambient, voire d’electro ? Rien que ça ? Ben oui, et quelques autres influences encore, si on gratte un peu sous les apparences, au point que cette musique-là navigue aux frontières du transgenre et de l’inclassable… mais pas pour autant celles du fourre-tout et du n’importe quoi, tout au contraire. Et cent pour cent dark.

Neronoia

Et leur septième opus de 2012, « Of Prisoners, Wandering Souls And Cruel Fears », est encore plus radical ou « expérimental » par son format, avec un double CD : un premier comportant une dizaine de morceaux chantés (somme toute assez proche de Neronoia, dont on était censé parler ici !) + un second cent pour cent instrumental d’un dark ambient « classique » digne des meilleures productions de labels comme Malignant, Cold Meat Industry ou Cyclic Law. Moins hybride que Canaan c’est-à-dire un peu plus facile à classer dans un genre identifié (quoique…), le troisième opus de Neronoia fait entendre la voix grave de Gianni Pedretti, proche de celle de Peter Bjargo leader d’Arcana, donc assez différente des voix italiennes haut-perchées habituelles au prog ou au néo-prog italien classique, et tout à fait en accord avec l’atmosphère lancinante, inquiétante et atmosphérique.

Neronoia fait la part belle tant aux claviers qu’aux guitares, auxquels s’ajoutent quantité de sons et d’effets très travaillés, voire de samples. Comparé à Canaan, les morceaux sont ici un peu plus « formatés » en longueur, et les intros ambient moins développées mais néanmoins présentes. Ce sens du détail et de la production impeccable l’éloignent du « gros son » brut du doom metal basique et même du prog, par une tonalité résolument et uniformément dark, parfois assez proche de celles que développent Anathema ou Antimatter.

Neronoia aime jouer avec les sons et les voix, les transformer et les triturer pour un son bien léché qui ajoute aux détails d’ambiance. Telle une sorte de boucle qui se referme, cet opus est assez proche du « Brand New Babylon » de Canaan, l’un des premiers opus datant de l’an 2000, diffusant cette même atmosphère lourde et lente, bloc massif de mélancolie ciselé par cette voix grave à la Brian Wilson. Comme si les deux groupes au line up très proche (réunis par Mauro, architecte sonore et producteur des deux formations) se rejoignaient et fusionnaient ici.

Alors, Neronoia ou Canaan ? Lyrics en anglais, ou en italien ? Pour qui aime le son et les atmosphères dark, inutile de le jouer à pile ou face. Vu la rareté relative des albums sur le marché, et la qualité de ces deux formations jumelles (au chanteur près) pourquoi choisir ? Mieux vaut aller entendre ce dont ils sont capables, puis se procurer au plus vite quelques albums des deux groupes, tant qu’ils sont encore disponibles.

Jean-Michel Calvez (8/10)

http://www.neronoia.tk/


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