Nanaki – Afterlight
Nanaki
Autoproduction
Derrière Nanaki se cache, sans vraiment trop se cacher d’ailleurs, Mikie Daugherty. L’histoire, si on la suit dans ses méandres, veut que Nanaki ait d’abord été un groupe. Mais peu importe ici, alors qu’il s’agit de s’intéresser au nouvel album de Mikie, « Afterlight ». Qu’y a-t-il après la lumière ? On peut tout imaginer, comme l’après d’un coucher de soleil, ou l’après de l’extinction de la lampe de chevet, cette poignée d’instants indécis et flottants où on a encore la lumière imprimée sur la rétine et où déjà la nuit se fait. C’est ça Nanaki, une musique d’entre deux, à la fois atmosphérique et d’une sourde violence. C’est aussi très sophistiqué sous des apparences de simplicité trompeuse. Aucun doute, Mikie Daugherty connaît son boulot et le fait excellemment, construisant avec patience et méthode l’atmosphère de ses compositions, instillant le changement avec finesse, montrant les muscles quand il le faut, mais jamais trop.
Tout ceci est instrumental, strictement musical. Et je ne vous cache pas que beaucoup de morceaux, sinon tous, s’apparentent à des transes, des moments d’hypnose à la sauce rock. C’est beau, c’est intense et c’est toujours trop court. Mais heureusement il y a le morceau suivant pour nous replonger dans cette état étrange et recherché de douce catalepsie. Cela me rappelle le titre de cette chanson de Pink Floyd, « Comfortably Numb ». Prenez par exemple « Regretfully, I must Decline Your Invitation », c’est à la fois calme et tendu, triste et énervé. Et c’est tout l’art de Mikie Daugherty de ne jamais dire s’il est plus calme que tendu ou plus triste qu’énervé.
Mais justement, et comme pour nous apporter la contradiction, il suffit d’envoyer « Fuck Spotify » pour se prendre une claque bien colérique et sans appel. C’est que Mikie Daugherty et sa musique sont impeccablement protéïformes, la marque des grands, de ceux qui ne sont jamais là où on les attend. Autant dire que ceux et celles qui aiment les oppositions, les rebondissements et les prises de liberté seront à la fête. Les autres apprendront les délices de l’inconfort, de la surprise à tous les coups. Encore une fois tout ceci est beau et plaisant, bien que parfois chaotique ou acide, il faut bien s’amuser quand on est un musicien ultra-doué.
Et c’est sans instrumentation autre que celle d’un groupe de rock basique, même si le génie du gars est de nous faire croire à des symphonies bien plus richement tissées qu’elles ne le sont en réalité. Bref, c’est du rock, du pur rock, sauf qu’on ne l’entend pas de cette oreille, et c’est étudié pour. Cela a même parfois l’air de sortir d’un laboratoire de musiques expérimentales, mais ça reste du rock, quoiqu’on en pense, même Saint-Alessa.
Oui, j’aime beaucoup ce que fait Mikie Daugherty et cet « Afterlight », plus profond et mystérieux qu’il n’y paraît au premier abord. Car oui, ce n’est qu’après plusieurs écoutes que l’intelligence des morceaux se fait jour, quand on s’est habitué à leur étrangeté. Mais ce qui ne disparaît pas, c’est le plaisir de se laisser porter par les mouvements et les revirements de ces compositions. Sublime travail, Mikie, j’en redemande !
Frédéric Gerchambeau