Myrath – Karma

Karma
Myrath
EAR Music
2024
Palabras De Oro

Myrath – Karma

Myrath Karma

Myrath, c’est pour moi un énorme coup de poing dans la tronche lors du défunt festival Power Prog Metal de Mons en Belgique en 2013. J’y étais allé pour découvrir en live mes chouchous de Circus Maximus et leur fabuleux album Nine, un grand moment ! Quand Myrath, un groupe tunisien hors de la portée de mon radar, a été annoncé, je me demandais bien à quelle sauce j’allais être mangé. J’ai littéralement été emporté par la tempête de sable qu’ils ont généré (et qui déferle encore) sur scène alors qu’ils défendaient l’excellent Tales Of The Sands. Quelle surprise ! Orphaned Land n’était donc pas si orphelin que ça dans son pays du metal oriental. Quelques années plus tard, j’ai revu Myrath dans un minuscule caveau à Nevers (le Café Charbon), fort du tout fraîchement sorti Legacy. Après le show, j’avais fait remarquer au sympathique claviériste Elyes Bouchoucha que les compositions étaient résolument plus popisantes et surtout que la production s’était particulièrement allégée. Exit (ou presque) le gros son et les riffs gras ! Ce dernier me l’avait confirmé en me disant que cette orientation était voulue par le groupe afin de grandir en popularité. Shehili a continué dans ce sens aussi. J’ai donc un peu pris mes distances avec le groupe devenu trop prévisible et sucré à mon goût jusqu’à ce qu’on me mette entre les pattes Karma, à la sortie douloureuse.

Tout d’abord, après 21 ans de collaboration, Elyes Bouchoucha s’est fait la malle en 2022, ou a été viré… pour « divergences artistiques » ou pour suivre un « chemin personnel »… on ne sait pas trop, mais la séparation semble avoir généré beaucoup de souffrance. C’est le Français Kevin Codfert (ex-claviériste d’Adagio), producteur de tous les albums du groupe, qui l’a remplacé. J’imagine qu’il n’était pas évident d’être claviériste sous la coupe d’un producteur, claviériste également. Ensuite, les bandes de l’album ont été volées et diffusées sur les sites de piratage de musique, retardant singulièrement la sortie de Karma, leur sixième opus. En l’occurrence, on pourrait qualifier tout ceci de « mauvais karma »… le concept, pas l’album !

Myrath - Karma band1

Pourtant, le voici enfin qui déboule dans les bacs ou plutôt sur les sites de streaming… officiels et payants ceux-là, la première expression n’ayant pratiquement plus aucun sens. Ce sont onze titres qui sont offerts à une fan base toujours plus grandissante. En effet, Myrath n’est plus ce petit groupe sympa et dynamique d’Afrique du Nord, cover band de Symphony X à ses débuts, avec Zaher Zorgati, un remarquable chanteur issu de la StarAc libanaise. Il est devenu une vraie machine de guerre dont les shows orientaux avec danseuses, sabres, flambeaux et magiciens enchantent le monde entier. Les concessions à la pop ont porté leurs fruits. Pour autant, le groupe reste écartelé entre ses deux périodes. Karma possède son lot de titres pop, mais aussi de metal prog. Oh certes, aucun morceau ne dépasse les cinq minutes alors le parfum prog demeure relativement discret (quoique plus présent que sur leurs deux derniers CD). Les sonorités grasses de guitare de Malek Ben Arbia émergent par moments, mais sont souvent noyées dans la masse. Cependant, Myrath ne renie pas ses origines et c’est tant mieux. L’alliance entre orient et metal fait toujours autant mouche. Toutefois, il est assez étrange de passer constamment d’un titre très mainstream à un autre plus ambitieux, même si le groupe continue d’arpenter ses sentiers battus avec une prise de risque minimum. Ainsi, on retrouve en permanence les nappes symphoniques orientales (à croire que le claviériste n’a pas changé), surtout en introduction des titres, et les refrains immédiatement mémorisables posés sur les solides rythmiques du « blazing desert metal » dont Myrath s’est autoproclamé fer de lance. Côté pop, on trouve résolument « To The Stars » qui devrait provoquer des ohohoh dans tous les concerts et «  Let It Go » qui m’a carrément fait penser à Toto ! Si si ! Et puis aussi « Words Are Failing » que mon ami et chroniqueur Lucas compare à du Ricky Martin… il ne fait pas toujours dans la dentelle le père Lucas, mais on ne peut lui en vouloir quand c’est aussi sucré. D’une façon générale, les parties les plus pop se retrouvent dans la première moitié de l’album. Tout est bien propre sur lui à commencer par une production toujours aussi infaillible et grandiose. À l’instar de « To The Stars » puis « Into The Light », les compos démarrent la plupart du temps par des sonorités orientales pompeuses posées sur des riffs secs de guitare cependant très vite relégués au second plan. Les mélodies et les refrains s’imprègnent directement dans nos neurones. La section rythmique est fracassante à l’image de son tatoué de batteur Morgan Berthet et d’Anis Jouini, à qui quelques libertés sont laissées comme le final de « To The Stars » ou les slaps de basse de « Candle Cry », une chanson où sa quatre cordes ondoie en permanence. C’est à partir de ces deux titres que l’on peut commencer à discerner la fibre progressive du groupe avec un superbe pont instrumental sur le premier et un refrain presque rappé et à voix multiples du talentueux vocaliste Zaher sur le second. Les slaps (de nouveau), un changement de rythme, des couplets plus aventureux et un solo de slide guitare sur « The Wheel Of Time » rendent ce morceau beaucoup moins convenu que les précédents, le meilleur de cette première moitié de galette. « Temple Walls », lui, est 100 % oriental et direct, une sorte d’intermède avant « Child Of Prophecy » qui joue à fond la carte metal prog avec son intro en ballade, ses riffs bendés et ses rythmes syncopés renforcés par des percussions affolantes. « The Empire » prolonge ce retour aux sources avec une indéniable patte à la Dream Theater, un refrain qui chavire d’émotion et enfin un solo de guitare transperçant. Cette partie de Karma est incontestablement la plus intéressante de l’album et démontre que le groupe n’a pas tourné le dos à ses influences originelles. Le retour à la pop avec « Heroes » passe plus difficilement après autant de créativité, bien que sa partie instrumentale reste perfusée au metal prog. Le ban se ferme avec un « Carry On » plus lourd et symphonique, gratifié d’un super solo de gratte de Malek (mais ils ne durent jamais très longtemps chez Myrath) et de parties de double caisses épileptiques de Morgan. Néanmoins, cette plage, avec un final très émouvant et pompeux, conclut très efficacement Karma.

Myrath - Karma band 2

Avec cette sixième création, Myrath continue son chemin hybride de metal oriental sur la voie qu’il s’est auto tracée. Le groupe semble installé dans une certaine zone de confort que la qualité de sa production et la réceptivité d’une fan base grandissante encouragent totalement. On sent que les Franco-Tunisiens possèdent le potentiel pour proposer quelque chose de plus ambitieux et épique, mais la prise de risque n’est pas leur credo. Il faut toutefois saluer un petit retour vers des racines plus progressives et un bel équilibre trouvé avec leurs influences pop plus sirupeuses qui permettent à Karma de faire le grand écart entre un clientélisme exigeant et le public mainstream. Et ça, c’est pas permis à tout le monde !

https://www.myrath.com/

https://www.facebook.com/myrathband

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.