My Friend Skeleton – Vanitas

Vanitas
My Friend Skeleton
2010
Alive

My Friend Skeleton – Vanitas

« Vanitas » est le tout premier album (et double qui plus est !) d’une jeune formation allemande à l’univers singulier et hautement bariolé dans tous les sens du terme, à ranger quelque-part entre la darkwave, l’ethereal mystique et l’electro. Cette tentative de classification n’est valable que s’il faut vraiment lui coller une étiquette, afin de cerner un minimum de quoi et de qui on parle. Pour ma part, éprouver des difficultés à identifier le style d’un artiste ou d’un groupe est souvent plutôt bon signe quant à la créativité et à l’originalité de celui-ci. Sur la couverture du disque, les visages des musiciens sont cachés sous d’énigmatiques masques vénitiens, rococos, colorés, quelque-peu inquiétants même, avec lesquels ils se produisent sur scènes à l’occasion de shows très théâtralisés, où figurants en robe de bure sont également de la partie ! « Vanitas » est une oeuvre musicale divisée en 2 sections bien distinctes, avec un 1er CD intitulé « Hinter der Maske Schönheit der » (« Derrière le masque de beauté » ) aux ambiances obscures, mystérieuses et féériques, générées par le groupe à grand renfort d’influences empruntées aux styles baroque, moyen-âgeux, oriental et celtique. La seconde partie baptisée « Lauert der Tod » (« Si la mort guette ») change radicalement de ton, entre musique plus typiquement gothique, rythmes technos teintés d’effluves industrielles, mais qui, étrangement, ne brisent pas la cohérence de l’ensemble, loin s’en faut.

Le voyage débute avec une courte introduction particulièrement angoissante, où se confondent chant enfantin nasillard diffusé par un vieux un poste radio crachotant, voix murmurées et entremêlées, le tout ponctué de sonorités sorties tout droits des abîmes de l’enfer. On se croirait subitement immergé dans l’ambiance jouissivement glauque du « Silent Hill » du réalisateur Christophe Gans ! Et puis la douceur mélancolique de « The Dead One » nous extirpe du cauchemar naissant pour nous emmener en ballade à travers un monde chimérique certes glacial, mais tout de même un peu plus rassurant. Seriez-vous néanmoins tentés par une petite excursion en Terres du Milieux, non loin des portes du Mordor ? Il s’en suit une jolie collection de titres toujours en forme d’invitation aux escapades imaginaires, qui alternent chansons sombres et mélancoliques avec d’autres pièces empruntes de cette froideur typiquement allemande (et un feeling très typé années 80), tels que « Alice » ou le percussif « Black Widow » et ses grandes orgues introductives à réveiller un vampire !

Parmis les grandes réussite de ce 1er disque, on peut citer le délicieux « Charonpenny », l’onirique, pénétrant et très orchestré « Caroline », proche de l’univers de notre Mylène Farmer nationale (pour l’anecdote, on verrait parfaitement Laurent Boutonnat réaliser le clip de cette chanson !) La voix délicate et peu lyrique d’Amaya Sakinah Skeleton ne doit pas être étrangère à ce ressenti. Impossible également de faire l’impasse sur l’énorme et évolutif « Requiem », avec ses martèlements incantatoires (sur notes de clavecins !), un mélange improbable de Magma (pour les voix) et du Dead Can Dance de la première époque. Et puisque je parle des voix, précisons ici que le chant s’exprime et se partage en allemand et en anglais, ponctué de nombreuses narrations d’outre-tombe qui n’oublient pas non plus la langue française. Impossible également de ne pas citer le plat de résistance de ce premier opus, le très cinématique et envoûtant « Funeral of broken doll » (avec de nombreux bruitages en illustrations : coups de tonnerre, pluie battante, galop de cheval, hululement de chouette, clocher d’église, etc.) qui nous transporte irrémédiablement dans une sorte d’univers gothiquo-fantastique façon Tim Burton. Et les quelques notes de piano électrique qui ponctuent cette longue promenade dans la bourgade de Sleepy Hollow sont tout simplement magiques !

Le premier CD s’achèvent avec « Spinning Dream », un titre qui fait office de transition parfaite avec la seconde galette, agrémenté de séquences de synthés analogiques entre Kraftwerk, Propaganda (histoire de bien resté ancré dans le style allemand) et le Jean-Michel Jarre des seventies. Contrairement à ce qu’on pourrait croire, le titre d’ouverture de ce 2ème CD aurait très bien plus trouver sa place sur le précédent, inaugurant ici une longue suite froide et électronique binaire intitulée « Roboterblut », où les rythmes technos old school dialoguent avec les bendir, darboukas égyptiennes et dulcimers, sur fond de nappes atmosphériques et choeurs synthétiques. Les bpm’s s’emballent encore davantage dans les morceaux suivants, les voix se font plus masculines, plus dures aussi, effets de saturation à l’appui. Il y a parfois un petit quelque-chose des premiers Depeche Mode là dedans ! Je suis personnellement beaucoup moins sensible à cette seconde partie de l’oeuvre, mais tout n’est qu’affaire de goût bien sûr, d’autant plus que tout cela est plutôt bien réalisé dans le genre, avec, soulignons-le, une production particulièrement soignée pour un premier enregistrement. Il serait donc assez malvenu de ma part de critiquer cette autre orientation, uniquement parce que celle-ci ne me touche pas. Je pense également que le rendu sur scène doit être autrement plus efficace, la performance live semblant être un point fort de My Friend Skeleton, en témoignent sur le net les nombreux commentaires élogieux des fans qui n’en pouvaient plus d’attendre la parution de ce premier opus de leur combo fétiche !

Pour les amateurs de beaux objets qui souhaiteraient faire l’acquisition du disque, sachez que celui-ci est présenté sous la forme d’un très beau double digipack, et qu’il existe aussi une édition « deluxe », avec en compléments un livret de 60 pages, un CD bonus avec instrumentaux inédits et versions remixées, ainsi qu’un DVD qui en dit davangage sur l’univers fantasmatique et fantasmagorique de My Friend Skeleton. « Vanitas » est une curiosité que je vous invite à découvrir, que vous soyez adepte ou pas (comme moi) de la nébuleuse « gothique » !

Philippe Vallin (7,5/10)

www.my-friend-skeleton.com

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