Mudbath – Brine Pool
Grains Of Sand Records
2017
Commençons par les préliminaires. Mudbath, c’est déjà un visuel. L’aspect champignon interstellaire sur un désert de cactus crapoteux, le résidu d’une descente trop forte, des visions à la limite du cartoon chamanique et de la bande dessinée d’un Moebius post-mortem. Le coloré, le bon gros trait, l’absurde et le défini. Du psychédélique en barre. Enter The Void. Loin du tout venant, l’épice rare, du garanti sur facture, à prendre au petit déjeuner en prenant son souffle. Un jappement de langue et paf c’est le voyage en grosses couleurs.
Et puis Mudbath, c’est le son. Un décalage. Volage, corrosif, un brin nocif mais toujours surprenant. Un mélange qui va où le vent le tire, vers cet inconnu à géométrie variable. Tout à tour sludge et nauséeux, stoner et granuleux, black et viscéral, Brine Pool ne ménage pas, mieux, il excite, papilles et muscles. Il sait se faire attendre, jouer des tensions, stopper net, rebondir, alourdir, écraser, charmer, déstructurer, attaquer. De la vision poissarde d’une poubelle renversée par un clodo à la contemplation pas très nette d’un paysage, lui aussi pas net, il n’y a qu’une empreinte de semelle que Mudbath franchit sans hésiter.
Tel un caméléon, les Français s’adaptent à leur environnement et laisse leur style s’émanciper. Style ? Le peintre expressionniste De Kooning le disait : « le style est une supercherie ». Car pour rester dans l’expression, Brine Pool peut être comparé à une fresque murale constituée de taches, de coulures, d’aplats, de raclages violents et de lissages peu définis sans ordre déterminé. Après de prendre le recul nécessaire et d’observer chaque détail, geste et accent. Certains s’amuseront à lister un name-dropping, comme on aime si bien en faire, mais faut quand-même pas croire que je vais faire tout le boulot. Faut donner un peu du sien les gens. Je donne le tableau, à celui qui écoute de se faire son propre manuel d’interprétation.
Brut et intrigant, entraînant et pesant, ce nouvel opus (après le déjà réussi Corrado Zeller) aussi caverneux qu’étonnamment fluide est une petite pépite comme je les affectionne. Et parmi les sorties attendues, Brine Pool sort du lot, propose de l’acquis, de la prise de risque et ça, mesdames et messieurs, c’est bien, c’est goulu, c’est bon. Peu importe, le style, la marque, pourvu qu’on ait l’ivresse rouillée d’un bon bain de boue.
Jéré Mignon