Mörglbl – The Story of Scott Rötti
Free Electric Sound / The Laser’s Edge
2019
Christophe Gigon
Mörglbl – The Story of Scott Rötti
Le trio français, bien connu des amateurs de « rock progressif jazz metal fusion », comme il se définit lui-même, nous est revenu l’an passé avec son septième album, The Story Of Scott Rötti. La grosse dizaine de pistes qui couvrent ce disque propose une musique instrumentale qui plaira aux amateurs de Primus, Steve Vai, Pantera ou Alan Holdsworth. Dire que l’éclectisme est roi relève donc du doux euphémisme. Le trio est formé du guitariste virtuose Christophe Godin (ambassadeur des marques Vigier et Laney), du batteur-pieuvre Aurélien Nouzoulias et du bassiste affrété Ivan Rougny. Plus de vingt ans de carrière pour ces musiciens d’exception reconnus internationalement, adoubés par Frank Zappa et écumant tous les festivals excentriques de la planète. Voilà une longévité amplement méritée.
Certes, la musique concoctée par la formation s’avère exigeante et diablement dense. Inutile d’espérer utiliser cette galette comme musique d’ambiance, au risque de voir vos invités décliner fromages, desserts et cafés. Seuls les digestifs proposés sauront régénérer les ouïes forcées des convives hébétés. Cela dit, les compositions, assez clairement architecturées, s’appréhendent plutôt facilement. Nul besoin d’être titulaire d’un master en musicologie dans l’espace pour vibrer aux sons de Mörglbl. Seuls une grande ouverture d’esprit, un appétit de sons frais et beaucoup d’humour suffiront pour entrer dans le monde fou-fou de Mörglbl
Les titres, déjà, se présentent comme un programme en soi. Jugez plutôt : « Anarchytektür », « Döner Dörgazm », « Prog Töllog » ou « La Lèpre à Elise » ne sont pas des intitulés que l’on retrouve sous les sabots d’un cheval. C’est bien plutôt du côté du facteur Cheval qu’il faudra chercher l’inspiration. « C’est incroyable tout ce que l’on peut faire à trois ! » s’étonnera probablement l’auditeur novice ravi. Et ce qui est vrai en amour prend des proportions inédites en musique : comment trois personnes, sans usage d’artifices de studio flagrants, peuvent produire autant de bonne musique ? Autant de positions et de renversements d’accords ? De lignes de basse et de parties de baguettes en l’air ? Chaque morceau forme une petite pépite, parfaitement polie et produite, ce qui laisse de l’espace (malgré la densité époustouflante déjà évoquée) et du souffle aux instrumentistes.
Certes, les plus réfractaires à la dextérité y verront parfois de simples exercices de style. Mais à l’instar de génies comme Rush, Steve Vai ou Magma, l’écriture de Mörgbl, sous ses airs potaches, fait montre d’une grande humilité : la virtuosité doit toujours rester au service de l’idée qu’elle sert. De toute manière, la discographie complète de la formation vaut le détour tant les chemins balisés sont toujours évités au profit de virages à 180 degrés, qui donneront le tournis aux musiciens qui essaieront de s’y frotter. Les prosternés de Dream Theater ou de Joe Satriani devraient bien y prêter une oreille : ils risquent d’être surpris par ce que l’on fait chez nous. Ah oui, au fait, l’histoire de Scott Rötti n’est jamais racontée. Amoureux de western, passez votre tour. Par contre, le dernier morceau, « Cor À Cor » ouvre des pistes. Ecoutez, vous verrez.