Miraculous Mule – Old Bones, New Fire
Juke Joint 500
2022
Fred Natuzzi
Miraculous Mule – Old Bones, New Fire
Dites-moi, vous aimez le blues ? Vous kiffez les gospels habités chantés dans les films par des prisonniers travaillant sur la route ? Vous adorez le son du sud des États-Unis ? Eh bien Miraculous Mule est fait pour vous. Ce trio londonien d’origine irlandaise a trois albums à son actif et officie depuis 2011 dans le gospel blues aromatisé au stoner space et psyché. Rien que ça oui. Pour leur album précédent, Two Tonne Testimony, Miraculous Mule jouait dans la cour de Clutch ou de Radio Moscow. Ils avaient accentué les belles réverbes psyché, les coups de grosses guitares, les accents seventies et leur attitude hautement rock and roll. Du coup, le groupe arrivait à exceller dans un registre où la faute de goût n’est plus permise. Une gageure dans un monde où le rock n’a quasiment plus de place. Ces résistants sont donc hautement fréquentables. À l’origine composé de deux frères, Michael J. Sheehy (guitares, voix) et Patrick McCarthy (basse, banjo, voix) et de leur ami d’enfance, le batteur Ian Burns, ils s’adjoignent les services d’Alex Louise Petty à la voix et aux percussions pour ce nouvel album Old Bones, New Fire. C’est en retrouvant d’anciens morceaux datant d’avant le premier opus que Michael Sheehy décide avec le groupe de revenir à leurs fondamentaux, c’est-à-dire le blues gospel folk. Cela donne dix titres invraisemblablement bons, enregistrés en 2011 et 2020, et qui accrochent immédiatement l’auditeur en mal de trip spirituel. Car les Miraculous Mule nous embarquent dans le sud moite des États-Unis et convoque les fantômes de Robert Johnson ou de Creedence Clearwater Revival, en les mélangeant aux Stones ou encore à l’Américana sixties et seventies type Lynyrd Skynyrd ou Canned Heat. Mais bien entendu, il y a un côté dark, en témoigne cette pochette digne d’un mardi-gras de Louisiane. Tous les morceaux sont des chansons traditionnelles arrangées par le groupe, sauf une qui est originale.
« I Know I’ve Been Changed » qui démarre cet opus est comme un cri de ralliement auquel on répondrait lentement, attiré par la voix fabuleuse de Sheehy et par les percussions hautement hypnotiques, où les chœurs envoûtent. Puis « Nobody/Nothing » enchaîne sur un trip seventies, relecture américana qu’on croirait sortir d’un album des Rolling Stones. Le riff d’ouverture de « City Of Refuge » évoque John Fogerty et le son des Creedence Clearwater Revival. Un morceau laid back qui nous embarque comme sur une bonne vieille route américaine, à l’époque des vans et des joints fumés par des jeunes gens en quête de liberté. « We Get What We Deserve » évoque également le son des Stones qui auraient trop écouté les Buffalo Springfield. Une folk blues où l’on succombe grâce à ce feeling qu’on ne retrouve que très rarement à notre époque. C’est la seule chanson écrite par Michael J. Sheehy pour cet album où elle s’insert parfaitement bien. « Fire In My Bones » est un morceau folk blues gospel, marque de fabrique des Miraculous Mule, tellement bien fait qu’on le croirait sorti des années soixante-dix.
« O Death » est chanté avec ferveur par Alex Louise Petty accompagnée par des chœurs plaintifs et fantomatiques, un titre qui aurait pu convenir à un Nick Cave ténébreux. On repart ensuite sur les routes du sud avec « John The Revelator », mélange blues et folk où l’on pense aussi à Dr John. Il y a chez Miraculous Mule cette double facette : le groupe reprend des morceaux d’inspiration bibliques, mais il y a toujours un côté sombre, venimeux. Ce n’est pas encore Me And That Man, le projet blues rock du leader de Behemoth, mais il y a indéniablement plus que la simple relecture de morceaux traditionnels et c’est vraiment ce qui provoque une certaine fascination. Le combo ressert les rangs sur « Butcher Boy », un conte western qui fleure bon le sable du désert américain au son de son magnifique banjo. « You Got To Take Sick And Die » retrouve un son laid back à la CCR, très agréable, puis l’album se clôture avec « Sinnerman », superbe relecture country blues, puissante et évocatrice, où le groupe se montre plus que jamais convaincant.
Old Bones New Fire est une sacrée réussite. Addictif, intime et puissant à la fois, superbement construit, c’est un trip comme on n’en fait plus, au cœur de thèmes religieux et réappropriés à la sauce country blues gospel folk. Un retour aux sources salvateur, même si le précédent effort était également très réussi. Assurément un groupe à suivre de près et à aller voir sur scène si le hasard les met sur votre route. En tout cas, s’il croise la mienne, ils pourront compter sur ma fervente dévotion.