Mike Della Bella Project – The Man With The Red Shoes
Auto Production
2024
Lucas Biela
Mike Della Bella Project – The Man With The Red Shoes
Musicien italien, Mike Della Bella a écrit de nombreuses chansons dans les années 80. Cependant, ce n’est que 30 ans plus tard qu’il leur a données vie sous la forme du Mike Della Bella Project. Un premier album a vu le jour en 2019, puis nous voilà avec une suite cette année. Et pas des moindres car notre maestro s’est entouré des plus grands noms de la westcoast californienne. C’est l’ami Jean-Philippe Réjou, un des plus grands spécialistes français de ce courant musical, qui m’a fait découvrir cet artiste en partageant le single « Affinity » sur son mur Facebook. Dès le morceau d’ouverture, le ton est donné. Cuivres rutilants, piano allègre, guitares grondantes, voix affirmée, percussions colorées… Mais oui, c’est bien le spectre de TOTO qui ressurgit. Bon, vous allez me dire, rien d’étonnant puisque Shannon Forrest et Nathan East sont de la partie. Mais il va malgré tout me falloir des arguments plus solides qu’une simple référence à TOTO pour vous convaincre d’écouter l’album. Commençons par les voix. Si vous vous amusez à vérifier le nombre de morceaux où le chant principal est féminin ou masculin, vous verrez que la parité homme-femme est respectée. C’est bien un homme des temps modernes, notre Mike !
Côté masculin, le chant est essentiellement assuré par ce cher Robbie LaBlanc, dont vous avez pu lire le nom dans ces colonnes-mêmes (le projet Find Me). Sa voix assez proche de celle de Joseph Williams (« mais arrête de nous parler de TOTO ! ») sait mettre à l’aise par ses tons chaleureux et enthousiastes. Mais elle sait aussi nous surprendre. C’est en effet l’étonnement qui s’affichera dans certaines de ses intonations sur le relaxant « Affinity ». Et on sera saisi par ce chassé-croisé entre aplomb et réflexion sur l’enlevé « If The Darkest Night ». Côté féminin, c’est aussi l’enthousiasme qui caractérise les voix de MaShanda Favors et Valentina Nanà Petrossi. On y retrouve le soleil des grandes voix soul, brillant jusqu’à l’éblouissement sous la chaleur des cuivres. Ce sera le cas sur les rythmés « Shelter Me », « Nothing I Wouldn’t Do » ou encore « Surrender ». Comme avec leur contrepartie masculine, la surprise est néanmoins à l’affût. Ainsi, le ton plus plaintif mêlé d’amertume donne une coloration sombre au nostalgique « Once In A Lifetime ». L’orgue Hammond jouera néanmoins des coudes pour panser ces plaies qu’un piano au bord de l’épuisement ne cesse de vouloir rouvrir. Autre moment de lamentation, c’est avec la participation de Jesus Espin (oui, ce ne sera pas Robbie) que Valentina assurera un duo poignant sur « To You ». Les harmonies frêles et la voix éplorée de l’Espagnol donnent de belles couleurs automnales à cette ballade mélancolique. Cette fanaison est même bien accentuée par le solo de guitare lamenté. Quel contraste avec le deuxième duo qui le suivra ! Cette fois-ci, pour l’accompagner, ce sera St. Paul Peterson (qu’on a vu chez George Benson ou The Corrs). Et avec « I’d Rather Be A Fool », c’est définitivement le printemps qui s’installe. Notre Italienne n’aura en effet jamais été aussi radieuse que dans cette pièce. Le soleil a atteint son zénith. Dans ce morceau, la contrepartie masculine y assurera surtout les harmonies. Cependant, elle saura nous surprendre par ce pont jazz qu’on pourrait croire traversé par Frank Sinatra.
Sur le plan instrumental, Mike Della Bella a privilégié les sonorités westcoast qui l’ont marquées. C’est ainsi que basse, batterie et percussions se concertent pour offrir un groove aux accents funky sur des morceaux comme « Gifts Of Life », « Surrender » ou « Nothing I Wouldn’ Do ». Les cuivres appuieront le côté solaire par leur enthousiasme indéfectible. Le piano aura deux casquettes. Il pourra être sollicité dans les moments de nostalgie quand les doigts s’y déplaceront lentement (la ballade « To You », et le déchiré « Once In A Lifetime »). Cependant, il ne pourra cacher sa joie sur les enjoués « I’d Rather Be A Fool » ou « Far From Over ». L’Hammond viendra également dévoiler davantage cette jubilation. Et, tiens, puisqu’on parle de cet instrument, c’est une nouvelle surprise qui nous attend. Bill Champlin sera en effet sollicité non pour chanter mais pour conclure l’album sur un solo d’Hammond plein de fantaisie, comme à l’époque des Sons Of Champlin. Mais celle qui remporte la palme en matière d’ambiance, c’est la guitare. Ainsi, par ses sautillements, elle pourra accentuer le côté rythmé de morceaux comme « Shelter Me ». Tour à tour lamentée et hispanisante sur « Nothing I Wouldn’t Do», ce sont les contrastes qu’elle y appuiera. Plus loin, ombrageuse et pensive, elle noiera son chagrin dans « Once In A Lifetime ». Avec Mike Della Bella, on aime se perdre dans une jungle de sons luxuriants qui nous rappellent les très riches heures des Steely Dan, Bill LaBounty ou TOTO.
Mike Della Bella renoue avec la tradition raffinée de la westcoast californienne, tout en lui donnant une nouvelle impulsion. Ce deuxième effort montre à quel point il est à l’aise dans les arrangements et les mélodies. Grâce à son carnet d’adresse, il a su rassembler autour de lui des talents reconnus le temps de chansons qui, on l’espère, résonneront aussi longtemps que les chefs d’œuvre qui l’ont inspirés.
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