Meshuggah – The Violent Sleep Of Reason
Meshuggah
Nuclear Blast
Meshuggah font partie des groupes les plus respectés de la planète metal pour leur côté résolument novateur dans le traitement des rythmiques et des atmosphères, ainsi que pour la constance du caractère « underground » de leur musique. Sur ce dernier point, nos valeureuses brebis sont restées à brouter leur herbe toujours plus rare sur leur carre de pré laissé à l’abandon, là où de nombreuses autres s’en sont égarées pour goûter une herbe mieux entretenue mais plus fade. Ces « fous » (c’est la signification de leur nom) viennent donc nous rappeler qu’ils n’ont rien perdu de leur énergie certes, mais également de leur foi en une musique qui va à contre-courant des tendances et des opportunismes.
Pour qui connaît le groupe, c’est à nouveau une immersion dans la noirceur d’un labyrinthe qui nous oppresse par son architecture toujours plus tortueuse, mais dont les coins illuminés nous permettent néanmoins de nous repérer. Avec ses plans rythmiques aussi difficiles à suivre que le mouvement des tentacules d’une pieuvre dans une eau trouble, et l’atmosphère orageuse qui y règne, le morceau-titre illustre parfaitement cette excitation que l’exploration d’un monde lovecraftien pourrait exercer sur nous. Meshuggah, c’est une énigme à laquelle (fort heureusement) personne ne connaît la réponse. Meshuggah, c’est un chaos qui est maîtrisé. Meshuggah c’est un cauchemar dont on ne veut pas se réveiller. Meshuggah, ce sont des ténèbres éclairées par une constellation complexe. Meshuggah c’est un poison qui guérit. Vous l’avez compris, Meshuggah c’est un développement attirant dans une enveloppe repoussante. A la manière de chercheurs passionnés, nos anti-conformistes n’ont eu de cesse d’améliorer les performances techniques et cognitives de leur création mi-homme, mi-robot pour lui permettre d’évoluer dans un environnement toujours plus hostile. La bête est lâchée et montre une agilité et une capacité d’adaptation des plus impressionnantes. Tout en partageant une imagination fertile, elle nous accompagne dans l’univers effrayant dans lequel elle a su s’acclimater.
Pas de mélodie entêtante ni de solos à couper le souffle chez Meshuggah. En revanche, des guitares glaçantes dans un environnement sinistre aux paysages changeants et dérangeants, captant notre attention autant qu’un tableau de Zdzisław Beksiński ou un film de David Cronenberg. Tout comme Triptykon, Hans Ruedi Giger aurait très bien pu peupler l’univers de Meshuggah d’Aliens, si la formation scandinave n’avait pas déjà créé son propre univers visuel. Un univers visuel à l’image de sa musique : dérangeant en surface, fascinant quand on y plonge.
Lucas Biela
[responsive_vid]