Meshuggah au Cabaret Sauvage, Paris, le 19 décembre 2014
Meshuggah « 25 years of musical deviance » au Cabaret Sauvage, Paris, le 19 décembre 2014
Meshuggah organisait cette année une tournée retraçant 25 ans de « déviance ». Le groupe étant très influent sur la scène du metal extrême, et la présence de l’ami Pok étant confirmée, voici une double motivation pour participer au concert parisien de nos cinq suédois. En retirant mon billet au Cora (!) de Massy le jour-même, je m’aperçois que deux groupes dont le nom ne soulèvent guère mon enthousiasme (Semantik Punk et Car Bomb) assurent la première partie. Je sors du travail à 18h40, pour arriver à 19h50 au Cabaret Sauvage, situé au bord du paisible canal de l’Ourcq. Pour le coup, le chapiteau transformé en salle de concerts portait bien son nom ! L’intérieur est plein à craquer, je rencontre l’ami Pok sur la terrasse et nous entamons un brin de causette. Le premier groupe annoncé ne l’avait pas emballé, du punk comme le laissait supposer leur nom, mais qui n’hésitait pas à céder la place à du doom lancinant, histoire de montrer quelques signes d’ouverture. Nul regret donc de ne pas avoir assisté à leur prestation. Voyant toutes ces mains agrippant fermement un verre de bière autour de moi, je propose d’en offrir une à mon acolyte. Mais il me le déconseille, prétextant qu’elles ne sont pas bonnes.
Puis, comme venues de nulle part, des rythmiques syncopées attisent notre attention. Nous revenons donc à l’intérieur et, les sourcils froncés, nous nous demandons si c’est bien Meshuggah qui a pris le relai. En effet, les musiciens présents sur scène ne sont plus à l’aube de leur jeunesse, et la musique ressemble étrangement à celle du quintet scandinave. Ça passe bien, mais on ne reconnaît aucun des morceaux de la tête d’affiche. Il s’agit donc bien de Car Bomb, groupe qui associe la violence technique de Meshuggah et les vociférations hypnotiques des premiers Pitchshifter. Encore une fois, notre petit gabarit constituant un véritable obstacle à une vue optimale sur la scène, nous longeons le côté gauche du chapiteau et nous arrêtons quand notre situation nous offre une perspective satisfaisante. Le groupe enchaîne les uppercuts hardcore à l’asymétrie marquée. A un moment, je me risque à proposer une bière « dégueulasse » à Pok. Ce sera une 86 absinthe… qui est effectivement infâme.
Après la prestation soignée de Car Bomb, je me dirige vers le stand de Meshuggah, où l’imagerie tout droit sortie du bestiaire de feu J.R. Giger (sur lequel l’amie Catherine Brun, la plus grande fan de The Enid que la terre ait jamais portée, s’est également appuyée pour son portrait « futuriste ») attire mes pupilles. Finalement, n’en déplaise aux fans d’Alien, je ne prendrai rien. Une connaissance de Pok, Didier, est du public, et nous voici à discuter concerts, et notamment celui récent qui mettait à l’affiche Arch Enemy et Kreator. Nous nous accordons sur l’excellente prestation de Kreator. Quand vient l’heure de Meshuggah, nous reprenons tout excités le chemin de la « piste aux étoiles ». Et là, grosse claque, le groupe, avec une moyenne d’âge avoisinant la cinquantaine, nous assène, avec l’énergie des beaux jours, ses rythmiques épileptiques, qui ont inspiré aussi bien toute la scène djent que le mathcore.
Tour d’horizon des 25 ans de la carrière de la formation oblige, les morceaux thrash percutants de leurs débuts côtoient les morceaux syncopés au groove imparable qui ont forgé leur légende. La frappe de Tomas Haake, aux allures de Jon Lord avec ses cheveux grisonnants attachés, fait trembler le sol, tandis que Jens Kidman, au look de chanteur de hardcore « screamo » avec son crâne rasé, s’époumone dans ses éraillements. Le legato holdsworthien de la guitare (eh bien oui, outre avoir fasciné des générations de guitaristes jazz-fusion, le légendaire Allan Holdsworth a influencé une bonne frange de la planète metal) assure de rares moments d’accalmie dans le tourbillon hypnotique des dynamiques spastiques du quintet. Fredrik Thordendal se courbe même en avant quand vient le moment du solo, donnant l’impression qu’il veuille se concentrer au maximum pour sortir celui du siècle ! Retour sur le batteur pour signaler que ses cymbales sont aussi grandes que des gongs. Et là, j’en profite pour rappeler que le grand Allan a officié au sein du collectif de joyeux drilles qui portait le nom de cet imposant instrument que l’on frappe avec un maillet pour en produire le son attendu.
Mais revenons à nos moutons. Quand vient le tour de « Bleed », certainement le morceau le plus marquant de la carrière de la formation suédoise, impossible d’échapper au headbanging et au « foot tapping ». Au final, tous les ingrédients étaient réunis pour fêter dignement les 25 ans d’une brillante carrière : un set où on ne s’ennuie pas un moment, un son monstrueux, des musiciens à l’énergie débordante. L’unique rappel terminé, il est 22h45 et il me faut bien un quart d’heure pour arriver à la sortie, le bar constituant un goulot d’étranglement pour les nombreux metalleux rassemblés sous le chapiteau. Curieusement, en me remettant le dernier Tangerine Dream dans les oreilles sur le chemin du retour, j’arrive à percevoir clairement les sons sans avoir besoin d’augmenter le volume. Une bonne nouvelle pour le concert du lendemain au Divan du Monde. Mais là, c’est une autre histoire que je vous narrerai dans un prochain compte-rendu.
Lucas Biela
[responsive_vid]