MEER – Wheels Within Wheels
karisma records / Creative Eclipse PR
2024
Palabras De Oro
MEER – Wheels Within Wheels
Dans sa chronique délurée de Playing House, leur second album, notre ami Pascal Bouquillard se plaignait de la confidentialité qui entourait MEER, un groupe presque sorti de nulle part. Mais quel impatient ce Pascal ! Avec leur nouveau bébé Wheels Within Wheels et des prestations scéniques d’une qualité impressionnante, comme au Night Of The Prog 2024 où je viens de les admirer, MEER est en train de se tailler une réputation grandissante et convaincante qui les projette désormais en pleine lumière.
Déjà en 2021, Playing House s’était finalement retrouvé en bonne place dans tous les charts de prog, preuve que le talent du groupe n’était pas passé aussi inaperçu que ça. Wheels Within Wheels continue sur la voie d’un pop prog symphonique remarquablement équilibré et emmené par le duo enchanteur (qu’on pourrait aussi écrire en deux mots) des frère et sœur Knut et Johanne Nesdal.
Mais ce serait faire injure à MEER de réduire ce jeune groupe à un rôle de faire-valoir autour de leurs flamboyants vocalistes, même s’ils sont également les créateurs de la formation. Ils sont six musiciens à accompagner nos duettistes et ils se montrent indispensables aussi bien musicalement que pour constituer l’écrin vocal qui soutient et accompagne le chant de Johanne et Knut. Eivind Strømstad assure les guitares, Åsa Ree et Ingvild Nordstoga Sandvik sont aux cordes, Ole Gjøstøl aux claviers, Morten Strypet à la basse et Mats Fjeld Lillehaug percute ses fûts. Toutefois, il m’apparaît que les rythmiques sont moins aventureuses sur ce troisième essai, avec une volonté affichée d’être au service des ahurissantes performances vocales du groupe. Il en résulte une certaine compacité musicale d’une beauté saisissante, mais ne laissant que fort peu de place aux performances solo. Il faut attendre les septièmes et huitièmes titres (« Today Tonight Tomorrow » et « World Of Wonder ») pour avoir droit respectivement à un solo de guitare puis de piano… et pis c’est tout !
Wheels Within Wheels n’est pas un concept album bien que ses chansons traitent toutes des relations difficiles et intimes entre deux êtres qui vont en se dégradant jusqu’au fatidique « This is the End ». Bien que pas sorti en single, le « délicieucat » (délicieux et délicat) « Come To Life » semble avoir inspiré le titre de l’opus puisqu’il le reprend dans ses paroles (« This is the End » aussi), un peu comme une allégorie illustrant la complexité sous-jacente d’une relation. Sa rythmique asynchrone sous influence jazzy est addictive. D’une façon générale, la recette musicale de cet opus repose sur des couplets et parties musicales plutôt douces et planantes qui enflent sous l’impulsion des cordes pour donner naissance à des refrains puissants et intestinaux (oui, ben tripants quoi !). Il faut dire que MEER possède désormais une grande expérience scénique. Elle lui confère la maturité lui permettant de jouer alternativement avec des ambiances délicates et d’autres plus puissantes, apparaissant toujours à bon escient. N’allez pas croire que nos Norvégiens se complaisent dans des schémas pompeux et grandioses, même si les chœurs de « Come To Light » et « This Is The End » montrent un côté un peu grégorien. Leurs racines pop sont toujours bien présentes. Ainsi, « Chains of Changes », après une timide intro, donne le ton sur une base popisante légère et entraînante. « Golden Circle » , « Behave » et « To What End » sont solidement impulsés par des rythmiques de basse envoutantes et enlevées. Les parties les plus pures et graciles sont à chercher du côté d’un intimiste « Take Me To The River » ou du magnifique « Mother ». Pour ce dernier, on pensera à Leprous sur certaines intonations vocales ainsi que sur les refrains de « To What End », cependant plus pour leur penchant agressif. Comme écrit plus haut, « This Is The End » conclut la galette avec une introduction sans ambiguïté sur le caractère épique et même pompeux de ce morceau de plus de neuf minutes. « Tell our story » devient « Tell us another horror story » dans des lyrics faisant le constat amer d’une destruction annoncée. Les puissances musicales et vocales s’unissent pour faire de cette fin une tragédie infinie et inéluctable. Tout est dit et fini irrévocablement : « This Is The End ».
Finalement, Wheels Within Wheels se montre assez différent de son illustre prédécesseur. Les « mesures bancales » si chères à mon ami Pascal n’y sont pas légion. La performance musicale est plus mise au service des vocaux. Le débat selon lequel on préfère ou pas cette évolution m’importe peu. Ce qui est essentiel, c’est que MEER ne reste pas les deux pieds dans le même sabot en nous sortant une resucée de Playing House. Sa récente progéniture ouvre de nouvelles perspectives au groupe en live du fait de cet équilibre presque parfait trouvé entre ses ambiances aériennes et puissantes, parfois saupoudré de pop prog assurément pas commercial, ultra-positif ou facile.
chronique délurée, ça me plait ça!! j’avais à priori fait de même ailleurs et l’on m’avait gratifié de ce mot doux!