Mari Boine – Eight Seasons
Mari Boine
Emarcy/Universal
Née en 1956 dans un petit village en plein cœur de la Norvège septentrionale, la chanteuse Mari Boine est une authentique guerrière qui se bat pour la défense de la culture Saami, peuple dont elle est originaire, et plus connu dans nos contrées sous le nom de Lapon. De ce qualificatif, Mari Boine n’en veut pas : le terme « Lapon » a en effet été inventé par les 1er colons arrivés sur le territoire (faisant référence à un ancien terme scandinave signifiant « chiffon » ou « guenille »), comme celui du non moins péjoratif « sioux » pour les lakotas de John Trudell, autre grand porte parole d’une culture en péril. Suite au tracé des frontières dans les grandes étendues nordiques, le peuple Saami se voit contraint d’abandonner son mode de vie nomade consistant à suivre la migration des rennes pour assurer sa subsistance. Encore un point commun avec la culture des indiens des plaines, qui se ressent complètement dans l’approche chamanique de la musique de Mari Boine (mais j’en reparlerai un peu plus tard). Depuis le jour où cette dernière a pris conscience de son identité samie, la fille timide et réservée qu’elle était a toujours milité activement pour préserver et revendiquer l’identité de son peuple, qui a l’instar de bon nombre de minorités ethniques à travers le monde fut longtemps niée et méprisée.Tout d’abord enseignante, Mari Boine débute sa carrière de chanteuse et de musicienne à l’âge de 24 ans, poussée par la révolte et son envie de la crier (elle cite : « Quand je me suis rendu compte de ce qu’avait subi mon peuple : on lui a interdit de parler sa langue à l’école, sa religion – le chamanisme – a été niée, sa terre morcelée, partagée entre la Finlande, la Russie, la Suède, la Norvège »). Pour cela, elle met à contribution son propre héritage, celui du « Joik » ou chant traditionnel poétique qui a bien failli disparaître lui aussi à l’initiative des samis eux mêmes, convertis à la religion luthérienne à partir du XVIe siècle par les missionnaires (« Ils leur ont demandé de prendre des noms norvégiens et quand les premières églises ont été construites, on a pris aux chamans leurs tambours pour les brûler. »). Mari Boine produira une foule de chansons engagées après la grande manifestation des Samis en 1978, rassemblement massif contre Jean-Marie Le P.. euh non… contre la compagnie d’électricité nationale et son projet de construction d’une écluse sur leurs terres ancestrales. Mais sa renommée dépassera les frontières en 1989 quand elle enregistre au Realworld studio « Gula gula » (« Ecoute Ecoute »), son 1er et dernier album pour le jeune label d’un certain Peter Gabriel, déjà lancé alors dans sa croisade pour la promotion des musiques du monde. Le thème développé dans ce premier album est un thème cher à la culture samie puisqu’il s’agit d’un hommage à la Terre en tant une mère nourricière. Musicalement, le résultat est tout à fait étonnant, souvent climatique, largement inspiré de la transe chamanique (percussions quasi omniprésentes) et mêlant allègrement plusieurs formes d’expressions musicales, traditionnelles et contemporaines. La chanteuse s’entoure dès lors d’un groupe multi-facettes très porté sur l’acoustique (le Mari Boine Band), dont il ne subsiste à ce jour que deux rescapés : l’inventif guitariste Roger Ludvigsen et le flûtiste péruvien Carlos Z. Quispe (également joueur de charango, petite guitare originaire de l’Amérique du sud). C’est avec cette formation que Mari Boine produira ses œuvres les plus brillantes et inspirées, dont les deux chefs d’œuvres absolus que sont « Eagle brother » et « Unfolding » chez Verve records. Le chant incantatoire de Mari Boine est une véritable merveille de puissance expressive et de beauté, qui saura ravir les amateurs de Loreena Mc Kennitt, Lisa Gerrard et de Dead Can Dance (période World music). La chanteuse est également connue pour avoir participé à plusieurs albums du célèbre saxophoniste norvégien Jan Garbarek, l’un des tous grands musiciens de l’écurie ECM.
La nouvelle perle de Mari Boine s’intitule donc « Eight seasons », disque qu’elle a enregistré en compagnie du pianiste Bugge Wesseltoft, figure de proue de la scène electro-jazz norvégienne avec Nils Petter Molvaer, déjà co-initiateur l’année dernière d’un album remix (pas très glorieux d’ailleurs) de la chanteuse. En effet, si Mari Boine a toujours été quelque peu réticente à l’usage des programmations et des sonorités synthétiques, elle cède aujourd’hui à la mode en mêlant intimement tonalités acoustiques et électroniques en une fusion électro-ethnique très tendance (je vous rassure, rien à voir avec les bricolages superficiels à la Afro celt sound system). Un tel parti pris afin de populariser au maximum son message et de toucher enfin le grand public ? Intention tout à fait louable dans son cas il va sans dire, d’autant plus que l’album est musicalement abouti, sachant éviter les pièges du tout consensuel, de la soupe fadasse technoïde ou des déviances New-âgeuse. Malgré cela, il est acquit que personne (et surtout pas le fan dévoué) ne criera au génie en écoutant « Eight seasons ». Peut être un bon moyen cependant au néophyte de découvrir et de soutenir par la même occasion cette merveilleuse artiste qui a tout compris au sens de la World music.
étant un quinquindégénérésent…. Pourriez-vous mon très cher ami, pensez (si cela est possible) à aérer vos textes (sauter des lignes, alinéa, etc ) qui sont très certainement… fort intéressant. ;-))
je vous remercie de penser à ma vision étriquée….de la réalité.
biz