Live report Sophie Darly au Sunside de Paris le 4 juillet 2024
4 juillet 2024
Lucas Biela
Live Report Sophie Darly au Sunside de Paris, le 4 juillet 2024
Une fois le concert d’Abdoulaye Kouyaté terminé, l’ami Xavier me parle de Sophie Darly, et de sa présence à Paris le 4 juillet 2024. Conquis après une écoute rapide sur YouTube, le rendez-vous est pris. Sur place, le piano à queue d’Arnaud Gransac et la batterie de Mathieu Penot occupant une bonne partie de la scène, les collègues Daniel Mizrahi à la guitare et Antoine Reininger à la basse et à la contrebasse s’y trouvent un peu à l’étroit. La proximité avec le public compense néanmoins la promiscuité avec leurs compagnons de jeu. Il en ira de même avec la meneuse de revue, aux mouvements tout aussi limités mais à la voix sans limite dans son étendue. Le décor étant planté, nos cinq fantastiques peuvent déployer les pouvoirs magiques de leur musique. Et ce sont des ambiances mêlant soul, jazz et blues qui embaument alors le Sunside.
Sur les rythmes chaloupés gorgés du même soleil que celui auquel renvoie la chemise Hawaïenne du clavier, nous voici pris au « piège » du rafraîchissement. Le navire continue d’ailleurs à tanguer à plusieurs reprises le long de la soirée. Ainsi, quand Sophie prie pour que les monstres deviennent merveilles, une certaine fantaisie teinte sa voix. Le Rhodes étourdi en prolonge même les contours. Sur des « pa-da-da-dam » montants et descendants, les voix du public émaillent comme un seul homme les notes enjouées. Puis quand c’est la perte de repères qui nous est narrée, les notes de Daniel et Arnaud s’associent pour souffler un vent tiède sur des plaines désertes. Plus loin, quand la guitare vogue et le Rhodes flotte, nous nous retrouvons à naviguer sur une mer agitée mais sous un grand soleil. Louvoyant entre accalmie et emportement, la voix annonce alors la couleur du ciel. Dans un dilemme entre « lutte et fuite », la foule se lève mais préfère rester pour soutenir en tapant des mains la guitare une fois celle-ci entrée dans la danse sudiste d’un Dickey Betts.
De lumineuse, l’ambiance peut passer à tamisée. Ainsi, pour évoquer la maternité, le chant langoureux nous enveloppe de ses accents certes doucereux mais parsemés de-ci de-là de vocalises enlevées. Les claviers ondulants répondent à la guitare nostalgique dans cet écrin feutré. De même, pour donner un cadre à la résilience des enfants, les cordes dorlotantes de Daniel accompagnent la voix tour à tour étreignante et implorante de Sophie. Puis, sur des tonalités berçantes, nous voilà lovés dans le silence de la nuit. Les intonations du chant se parent cependant de couleurs éclatantes quand la guitare se met à gémir. Telle une étoile filante, les claviers nous éblouissent de leur beauté fugace. La six-cordes éplorée explore même un filon carltonien* quand l’occasion se présente. Sur le destin des cœurs brisés qui nous sera narré en rappel, on sent Sophie bouleversée dans cette alternance entre lamentations et émerveillement.
Le piano et la batterie se faisant face, on ne sera pas surpris quand un dialogue s’instaure entre eux. Ainsi, entre la narration et le déchirement de notre chanteuse franco-suisse, quand le jeu d’Arnaud épaule dans son assurance celui hésitant de Mathieu, une complicité se noue entre eux. Et c’est cette dernière qui se manifeste à nouveau quand la vedette de la soirée interprète avec l’aplomb d’Anita Baker ce « Don’t Make Me Over » de Burt Bacharach. Portant la douceur de l’étreinte de deux partenaires dansant un slow sur des effluves soul, le morceau se fend en effet derechef de cette marque d’affection du piano pour la batterie dans le break. Quand le rythme se veut plus alerte, c’est Sophie qui, dans un registre soul/funk, entre à son tour dans un dialogue avec un maître du temps à l’enthousiasme renouvelé derrière ses fûts. Et quand l’amour se fige dans la glace, les envolées de la belle se font encore plus lyriques pour nous transporter dans des vapeurs cristallines. Et alors soutenu par son compagnon de rythme, c’est le temps qui se fige cette fois, quand l’autre maître du temps, Antoine, improvise quelques notes sur sa contrebasse.
Avec sa voix de velours et la sérénité qui se dégage de sa personne, Sophie Darly est une chanteuse pour qui on se prend vite d’affection. Après trois albums et de nombreuses dates pour les défendre, elle confirme son talent et sa capacité à jongler entre soul, jazz et blues. Voici une perle rare qu’il ne faut pas hésiter à sortir de l’océan de talents qui émergent de la « Black Music ».
* De Larry Carlton
https://www.facebook.com/sophie.darly.3