Live report Savanah au We Are_ de Paris le 16 janvier 2025
2025
Lucas Biela
Live report Savanah au We Are_ de Paris le 16 janvier 2025
Jamais je n’aurais pensé qu’il me faudrait un quart d’heure pour rejoindre un immeuble qui n’était plus qu’à 50 mètres de moi. C’est pourtant ce qui est arrivé le 16 janvier 2025. Le quartier de la place Beauvau étant quadrillé pour recevoir une délégation venue de l’Angola, le tronçon attenant de la rue du Faubourg Saint-Honoré reste fermé le temps que le convoi passe. Et c’est justement là que se situe la salle où j’ai rendez-vous, le « We Are_ ». Fort heureusement, une fois sur place, j’apprends que l’événement ne démarre qu’une demi-heure après l’heure annoncée. L’artiste qui doit s’y produire est Savanah. Il s’agit du nom de scène d’Agathe Watremez, plus connue pour son rôle d’Olga dans le film La Prière. D’une part, elle est inspirée par les bandes-son d’Angelo Badalamenti, le fidèle collaborateur de David Lynch, immense cinéaste dont j’apprendrai la disparition en fin de soirée. D’autre part, l’univers pop de Lana Del Rey ou London Grammar la fascine. C’est donc tout naturellement vers la dreampop et la synthpop que notre jeune artiste s’oriente.
Ainsi, sur fond musical pré-enregistré (ne criez pas au loup, Cocteau Twins en étaient adeptes également), sa voix diaphane et langoureuse enveloppe la salle d’un voile brumeux. Sur scène, le chant est cependant accompagné des notes légères de la guitare d’Adeline Jasso. Le jeu tout en retrait de l’équipière de Cat Power pourrait être rapproché de celui de Ry Cooder dans la bande-son de Paris Texas. Ce dépouillement est d’ailleurs renforcé par le sobriquet d’Agathe (savannah, c’est la savane en anglais). D’entrée de jeu, on est saisi par la voix mi-chuchotée mi-chantée, où se mêlent assurance et confidence pour mieux porter une vaste palette de sentiments. Et sur ces derniers, on est servi puisque des trémolos glaçants peuvent conclure les lignes de chant tout comme des vocalises les émailler. Le long des chemins embrumés qu’emprunte la voix, je ne peux m’empêcher de penser à la regrettée Aleah Stanbridge (Trees Of Eternity, collaborations avec Swallow The Sun et Amorphis), dont il faut impérativement découvrir l’album posthume si ce n’est pas encore fait. Quand les ambiances tirent davantage vers la synthwave avec des synthétiseurs futuristes, les mélodies s’étirent et dissipent le brouillard. On apprécie aussi cette belle ballade gorgée de mystères et aux ambiances 60’s baroques où on « n’a que des fleurs » pour le partenaire qui partage notre slow imaginaire.
Venant du cinéma, Savanah n’oublie pas de nous expliquer le procédé de « nuit américaine » qui a inspiré un de ses titres. Pour ce morceau, elle a pu compter sur la collaboration de Jordan Whitlock, une artiste que le hasard des playlists lui a fait découvrir sur Instagram et qui a accepté de lui envoyer de nombreuses pistes de voix. Voilà qui redore le blason des réseaux sociaux, trop souvent accusés de monter leurs utilisateurs les uns contre les autres. Tout au long des « Nuits Américaines », la guitare exhale son parfum nostalgique, tandis que le souffle haletant de la voix offre une douleur à faire fondre en larmes l’auditeur. Pour terminer la soirée, dans des ambiances musicales pastorales proches du thème qui conclut L’Au-delà du maître Fulci (eh oui, on trouve de la sensibilité dans l’horreur), notre native de la Drôme traite du deuil blanc en « se repassant le film des dizaines de fois ».
Avec son univers à la fois onirique et intimiste, Savanah sait faire vibrer la corde sensible. Elle publie le 7 février son premier EP, Céleste, et il sera alors possible de se repasser l’album des dizaines de fois.
https://www.facebook.com/savanahbay