Live report Jesse Cook au Café de la Danse de Paris le 27 septembre 2024
2024
Lucas Biela
Live report Jesse Cook au Café de la Danse de Paris le 27 septembre 2024
Le flamenco revient régulièrement dans l’arène au travers de fusions avec d’autres styles de musique. Qui ne se souvient pas du célèbre trio du guitariste Paco de Lucia avec les gâchettes du jazz-fusion Al di Meola et John McLaughlin ? Puis, bien des années plus tard, c’est l’ancien guitariste de Billy Idol, Steve Stevens qui a tenté le mélange avec des éléments de dance music. Et que dire du metal hybride que Flametal s’est mis à forger au début des années 2000 ? Encore plus récemment, on a pu voir cette musique andalouse se couvrir d’un manteau oriental chez Arnito. C’est justement dans l’esprit de ce dernier que Jesse Cook fait parler de lui depuis près de trente ans. Il aime bien en effet promener sa guitare en terres arabes, en plus de sa passion de l’Amérique du Sud. Pour la première, il peut compter sur le violon de Fethi Nadjem et sur les percussions de Matias Recharte. Et pour la deuxième, qu’en est-il ? Eh bien, c’est le jeu des chaises musicales. Mettez des percussions entre les mains de notre co-fondateur de Djmawi Africa et placez notre percussionniste derrière une batterie, et vous y êtes. Pour donner du corps et de la couleur à sa musique, Jesse s’adjoint également les services du bassiste Dan Minchom et du guitariste Matt Sellick. Algérie, Pérou, Angleterre, Canada : c’est qu’il n’y a pas qu’en musique que l’on navigue. D’ailleurs, sur le thème de la navigation, ce n’est certainement pas un hasard si Jesse porte le même patronyme que ce célèbre explorateur, James Cook. Ce n’est pas non plus une coïncidence s’il nous cuisine (« cook » en anglais) des plats qui nous font voyager. Revenons cependant aux débuts de notre passionné de flamenco. Quand il nous dit qu’il a frappé sans succès à la porte de Sony, j’ai envie de lui rétorquer : « Mais pourquoi est-ce que tu n’es pas allé voir directement des labels comme Windham Hill ou Narada ? ». Et, renseignement pris après le concert, l’histoire a en effet voulu que ce soit Narada qui publie non seulement son premier album, mais également les cinq qui ont suivi !
D’abord seul sur scène, Jesse nous épate par l’équilibre subtil qu’il crée entre technique et mélodie. Sur une boucle qui reprend la mélodie principale, il déplace ses doigts avec dextérité et amour. Et déjà, on pourra entendre de temps à autre ces notes qui semblent s’échapper du peloton pour continuer à résonner dans l’air, comme un rappel du passé, une illustration du « temps fugit ». Le flamenco s’ouvre ensuite aux musiques du Moyen-Orient et de l’Amérique du Sud avec l’arrivée des compères algérien et péruvien. On est alors surpris de voir Fethi jouer de son violon à la verticale, à la manière d’un violoncelle, le bas tenant sur le genou plié. Mais, plus curieux, dans des duos enflammés avec Jesse, Fethi tiendra son instrument à l’horizontale, le dos du violon face à lui, comme pour se lancer un défi. Il a certes des accès de virtuosité, mais, à la manière de son compagnon guitariste, c’est toujours la mélodie qui est privilégiée, allant même jusqu’à faire ruisseler les larmes sur nos joues dans les moments les plus plaintifs.
Plus tard dans la soirée, ce sont également les rythmiciens, Dan et Matias, qui nouent à leur tour un vif dialogue, rendant là encore le concert plus vivant. Le batteur/percussionniste d’ailleurs se révèle être un véritable homme-orchestre. En effet, cajon, tablas, darbuka, batterie, tout y passe pour apporter des ambiances tantôt aussi ondulantes que les courbes d’un désert de sable, tantôt aussi rythmées qu’une édition endiablée du carnaval de Rio. Mais revenons aux guitares. Matt, le guitariste qui accompagne Jesse, le suit depuis un bout de temps puisque c’est à l’écoute d’un de ses disques, et alors qu’il n’avait que sept ans, qu’il s’est vu pousser des ailes musicales. Son modèle ne manque pas d’humour à son égard puisqu’il nous apprend que le jeune protégé connaît toutes ses chansons, là où lui les oublie. Comme avec le violoniste, ils se donnent la réplique, mettant ainsi en avant leur talent respectif. De concert cette fois-ci, les deux concluent le programme sur une mélodie tellement belle qu’elle trottera dans ma tête par la suite. En solo, Matt nous gratifie même d’une belle pièce tire-larmes. Ces moments de douceur plongent le public dans un océan de sérénité. Les spectateurs sont néanmoins invités à en sortir la tête quand le rythme revient. Cela se fait notamment en reprenant les jeux de palmas (quelle surprise de voir Dan, Matias et Fetih frapper des mains en trio debout derrière la batterie, là où je m’imaginais qu’ils allaient chanter en chœur). Mais Jesse a plus d’un tour dans son sac. Quand vient le tour du medley, et à nouveau sur le ton de l’humour, il vérifie si le public est prêt à entrer dans la danse, car sa besace contient aussi des chansons tristes. Pensez-vous : il sait très bien que son auditoire n’est pas venu assister à un concert de fado ! La soirée se teint ainsi d’une coloration vive. Tout au long du concert, on peut s’imprégner de suavité, ou se mouvoir, mais il est également possible d’admirer quelques techniques de jeu du frontman. Ainsi, quand c’est son poing qui frotte les cordes, le temps gronde. A l’inverse, quand la main s’ouvre, les beaux jours reviennent.
Pour résumer, Jesse Cook, avec son unique date à Paris, a livré une performance haute en couleurs. Ses compagnons l’ont épaulé avec beaucoup d’entrain. La complicité était évidente, aussi bien entre eux qu’avec le public. Les efforts du canadien pour parler en français, une performance remarquable avec ses compagnons de jeu, un set aux ambiances variées, et une interaction forte avec le public ont rendu cette soirée magique.
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