Live report Arman Méliès au Théâtre des Abbesses de Paris le 23 avril 2025 et à la salle Jean-Pierre Bacri de Conches-en-Ouche le 27 avril 2025
2025
Lucas Biela & Fred Natuzzi
Live report Arman Méliès au Théâtre des Abbesses de Paris le 23 avril 2025 et à la salle Jean-Pierre Bacri de Conches-en-Ouche le 27 avril 2025
Théâtre des Abbesses de Paris
Le 23 avril 2025, c’est un artiste dont le talent est régulièrement mis à l’honneur dans les colonnes de Clair & Obscur qui est l’invité du Théâtre des Abbesses. Quand Arman Méliès est d’abord seul sur scène, on ne peut s’empêcher d’être saisi par ce contraste entre sa guitare enjouée et sa voix implorante. Dans cette « folie qui hésite », ce sont les mots qui guident la musique. Ainsi, la six-cordes monte au créneau au son des « Insiste, insiste ». A l’inverse, quand « rien ne presse », le pouls ralentit et notre Parisien peut respirer. Pour prendre la fièvre quand tout brûle, le tempo se fait voguant. Cependant, bien que l’on se soit accoutumé à l’opposition entre ombre et lumière, comment ne pas être bouleversé par ce chant divinement sépulcral dans le pont introspectif ? Ailleurs, sur une voix criant son désespoir dans l’escalade à mains nues de la vie, les notes célestes de la guitare partent au loin. C’est ainsi une belle leçon de courage qui nous est narrée à travers cet envol. Le chanteur / compositeur aime aussi s’entourer pour donner vie à ses idées musicales.
Certes, il faut une batterie pour porter la cadence, et elle l’est subtilement par Antoine Kerninon. Mais la poésie pénétrant ses textes, des cordes sont également de la partie. Ainsi, quand Arman s’aventure dans le rêve d’un autre, alors que le violoncelle d’Aurore Daniel pleure, le violon de Pauline Denize tente de le consoler. En revanche, quand le maître de cérémonie est tenté de « se faire mordre par la fièvre », les partenaires de cordes partagent mutuellement leur douleur. Mais il ne faudrait pas croire que les jeunes femmes n’appuient que la mélancolie. En effet, après la peine viennent des volutes aériennes dans lesquelles le violon dirige l’ensemble vers la lumière. Et quand la « vie s’enfuit sous la lune », à l’angoisse fait suite la même frénésie que celle d’un chien retrouvant son maître après une longue absence. On va même jusqu’à l’étreinte dans cette chanson où des termes scientifiques (atomes, cellules, matière) parviennent à célébrer un sentiment immensurable celui-là, à savoir l’amour. Iris, belles de nuit, lilas, notre troubadour aime les fleurs. Et c’est autour des ambroisies qu’il inverse les rôles : là où sa voix montre plus de détermination, c’est alors sa guitare qui hésite. De même, dans ces moments où notre homme « n’a plus peur », les cordes naviguent sur des eaux enjouées.
Ce qui peut surprendre, ce sont les accents sautillants de la batterie intervenant dans un contexte nostalgique. C’est notamment le cas dans le souvenir d’avoir été « Météores » ou dans les regrets de ne pas avoir été entendu dans les prières. Mais l’instrument d’Antoine se retrouve aussi en proie au questionnement quand des sonorités tribales interviennent autour des belles de nuit ou dans l’hommage funèbre à un pou. On apprécie aussi les balais tournoyants qui contribuent à l’ambiance cotonneuse du rêve des autres. Et lorsque le parallèle entre la flamme des sentiments qui s’éteint et le temps qui se consume est évoqué, ce sont non seulement les mots qui nous ensorcellent mais également le rythme post-punk. Hespéride, asphaltine et moleskine : on aime également se perdre dans des dédales de senteurs, tout comme les atomes et les cellules s’emballaient dans le jeu de l’amour. Outre la voix écorchée et si attachante d’Arman on apprécie son jeu de guitare, tout en retenue. Bien entendu, la six-cordes peut évoquer la solitude des grands espaces dans ses envolées Americana. Par moments, elle prend cependant la voie aérienne du regretté Michael Hedges. Et la bise printanière souffle même quand des sifflements accompagnent la trame sonore. Ajoutez les voix douces d’Aurore et de Pauline et nous voilà confortablement installés sur un nuage bien douillet. A ce titre, autour des lilas, c’est le ciel qui s’ouvre quand le chant angélique fait suite aux « woo oo oo » embrumés. Poésie, complicité, et versatilité, voilà autant d’ingrédients qui ont animé la belle salle des Abbesses le soir du 23 avril.
Lucas Biela
Salle Jean-Pierre Bacri de Conches-en-Ouche
Pour le 20ème anniversaire de la chorale de l’association Au Cours de l’Iton, Olivier Gall, son directeur, a eu envie de travailler avec un artiste dont il admire le travail depuis des années, Arman Méliès. Par l’entremise d’un ami commun (Darko pour ne pas le nommer, qui officie dans Animal Triste), il entre en contact avec lui. Pendant huit mois, ils vont collaborer afin d’arranger certaines chansons pour la chorale et le quatuor à cordes Altaïs. On se souvient de leur magnifique travail au côté du regretté Akim Amara pour Oublier Wellington. À l’origine, ce sont les albums Laurel Canyon et Obake qui devaient être mis en avant, mais lorsque Olivier a entendu Ambrosia, il a changé ses plans pour travailler sur ces compositions, propices à l’ajout de chœurs et de cordes. Il a écrit de sublimes arrangements qu’Arman a validés. Le résultat se fit entendre ce dimanche 27 avril (la veille également) à la salle Jean Pierre Bacri à Conches en Ouche.
Arman attaque le set par un morceau instrumental dont il a le secret (un art perdu, parait-il) qui installe une atmosphère propice à l’évasion mentale. D’emblée, la salle est happée par ce moment poétique et pas un bruit ne se fait entendre. Il enchaîne avec « Une Promesse » qu’il interprète seul, comme au Théâtre des Abbesses le mercredi précédent. Ce « trésor là enfoui » va se révéler aux oreilles de tous. L’entrée du quatuor et de la chorale se fait sous de beaux applaudissements. En effet, chaque année, ils accompagnent un artiste sur cette scène et sont donc bien appréciés du public. Du dernier album Ambrosia, c’est sans doute la plus belle chanson pour ma part qui entame cette partie collective. « Sous Les Siècles » assoit le public dans un creux du temps figé par la beauté spirituelle qui s’en dégage. Et lorsque les cordes font léviter le morceau, ce sont les chœurs qui le font décoller et font chavirer les esprits. Purement sublime. Les titres vont s’enchaîner et montrer des tableaux légèrement modifiés par les arrangements. Un travail payant tant l’auditoire est silencieux, mais les applaudissements nourris. « Belle De Nuit » poursuit la découverte de ces nouvelles parures et resplendit dans un ciel où chaque voix porte une étoile. Romane, la fille d’Olivier, viendra chanter aux côtés d’Arman deux titres: « Le Soleil En Soi » et « Ta Peine ». Sa voix est parfaite pour ces moments de grâce partagés, sous l’œil forcément ému de son papa. À noter également son rôle clé pour le travail d’appropriation des chansons par la chorale.
« Fort Everest » est un moment fort, car le titre va crescendo. Ainsi, avec un final en apothéose, les cordes et les chœurs arrivent à soulever les montagnes. « Ambrosia » et « Requiem Pour Un Pou » voient leur portée encore plus fascinante pour l’une, percutante pour l’autre avec ces chœurs particulièrement impliqués. Les cordes qui introduisent et soutiennent « Modesta » donnent au texte une teneur encore plus inéluctable. Autre point culminant, « Casanegra » qui commence par la chorale a capella. Ce morceau saisissant est encore une fois amené vers des sommets d’émotion avec un quatuor absolument magnifique tandis que les voix hantent le temps tel un chœur grec. « La Soif » est amplifiée par des cordes concernées tandis que les voix se mêlent comme un seul homme à celle d’Arman. Quant à « Laurel Canyon », déjà intense lorsque interprété par Arman seul en scène, sa portée se voit multipliée par l’intensité de la chorale qui nous offre avec les cordes un titre épique. Enfin, pour prouver la réussite de l’entreprise, il fallait assister au rappel, car avec « La Chancelle », Arman et Olivier considèrent le public comme une autre chorale et l’amèneront à chanter sur la fin du titre, provoquant ainsi une communion inédite et frissonnante.
Un concert riche en surprises et en émotions, aux arrangements paysagistes subtiles et qui conviennent parfaitement aux chansons d’Arman, visiblement ravi de cette expérience humaine et collective. Le public était conquis et a témoigné aux artistes sa reconnaissance de ce fabuleux travail. Un grand bravo aux quarante personnes de la chorale et au quatuor Altais, ainsi qu’à Olivier et Arman pour leur collaboration pertinente et parfaite.
Fred Natuzzi
Crédits: Photos 1,2 et 3, vidéos: Sandra Benyachou
Photo 4: Milie Lilli
Set list Paris
Une promesse
Serre
Sous les siècles
Météores
Le Soleil En Soi
Belle De Nuit
Requiem Pour Un Pou
Quelques Kilos De Soleil
Ambrosia
Casanegra
Néons Blancs Et Asphaltine
Laurel Canyon
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Modesta
La Soif
Constamment Je Brûle
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La Chancelle
Set list Conches En Ouche
Intro Instrumentale
Une promesse
Sous les siècles
Belle De Nuit
Le Soleil En Soi
Ta Peine
Fort Everest
Ambrosia
Requiem Pour Un Pou
Modesta
Casanegra
La Soif
Laurel Canyon
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La Chancelle