Live report Adrian Crowley + Nadine Khouri, à La Boule Noire, Paris, le 10 mars 2025

Live report Adrian Crowley + Nadine Khouri, à La Boule Noire, Paris, le 10 mars 2025
Adrian Crowley
2025
Lucas Biela

Live report Adrian Crowley + Nadine Khouri, à La Boule Noire, Paris, le 10 mars 2025

Live report Adrian Crowley

Avec des artistes au langage folk à la fois sensible et poétique, la soirée du 10 mars 2025 à l’ancienne goguette La Boule Noire s’annonçait intimiste. D’un côté, Nadine Khouri peint des beaux clairs-obscurs, de l’autre Adrian Crowley aime couvrir ses toiles de noir anthracite. La première est originaire du Liban, et son destin l’a amenée à croiser la route du producteur John Parish (PJ Harvey, The Dry Cleaning). Le second est Irlandais et cumule déjà plus de vingt ans de carrière. Mais les deux se connaissent, Nadine ayant collaboré avec Adrian sur son dernier album.

Avec son timbre cassé si attachant et son chant désabusé, Nadine annonce dès le morceau d’ouverture la couleur contrastée de son univers. Quand la quiétude d’une mer calme s’installe, la voix tente de ne pas la perturber par le biais d’harmonies doucereuses. La mélodie siffle alors telle une bise printanière réconfortante. Sitôt que les machines interviennent, on observe un enjouement progressif. En effet, le ton garde dans un premier temps ses distances, comme s’il anticipait un danger. Mais petit à petit, les doutes se dissipent, et l’espoir jaillit. Dans l’hommage de notre chanteuse à Lhasa, comment en effet ne pas être touché par ces poussées d’enthousiasme dans les réflexions sur les regrets. La guitare, jusque-là discrète, donnera alors de la voix au travers de distorsions se manifestant comme pour mieux appuyer les troubles de l’âme. Faites chanter la guitare à la manière du thème du carillon dans le film Et Pour Quelques Dollars De Plus et c’est l’âme d’une écorchée vive qui l’accompagne. Telle la Marianne Faithful de l’album Broken English, les souvenirs refont surface, le bonheur des instants vécus se mêle à la nostalgie. Mais demandez à la guitare de fuir dans des mouvements haletants, et l’angoisse s’empare de notre conteuse. La voix de cette dernière présente alors quelques tremblements qui reflètent bien l’esprit qui l’anime face à la réalité du monde actuel. Par ailleurs, dans l’ambiance cotonneuse d’« Another Life » , on est saisi par ce mélange de surprise et de malice qui habite aussi bien les notes perdues de la guitare que le chant distrait. Nadine Khouri a ainsi séduit de sa voix choyante et des notes réservées de sa guitare un public qu’elle remercie pour sa « gentillesse ».

Live report Adrian Crowley Band 1

Avec Adrian Crowley, d’emblée ce qui frappe c’est cette voix profonde, quasi sépulcrale, à la Leonard Cohen. Quelques notes enthousiasmées se frayent néanmoins un passage à travers le flot glaçant des paroles solennelles. Ainsi, quand l’hiver porté par les cordes dissonantes cède la place au printemps dans les accords pastoraux de la guitare, un vent de fraîcheur souffle dans les accents graves d’une voix qui pleure la perte d’un frère. De même, sur un rythme de bossa nova, les thèmes abordés conduisent à un certain relâchement dans les mélopées. Le soleil brille d’autant plus que Nadine prête sa voix lumineuse aux chœurs. En revanche, sur cette danse macabre « au milieu d’une nuit de juillet », les rapports s’inversent. Alors qu’Adrian montre plus d’entrain, Nadine décide en revanche de broyer du noir. Auparavant, elle avait déjà fort ému la foule avec les belles plaintes de sa guitare accompagnant la voix presque agonisante de notre Irlandais. Mais là, on découvre dans son chant une douleur qui nous touche tout autant. Ce moment de « darkwave » pure, à faire fondre les couples « goth » dans un slow, est véritablement un des clous du spectacle. Quand ils sont « enfin perdus », Nadine et Adrian se donnent la réplique à travers le jeu de guitare. Là où les notes de la jeune femme s’évadent lentement, celles du cinquantenaire dansent la valse. S’ensuit alors le chant d’un homme que la vie n’a pas épargné mais qui continue malgré tout à s’en émerveiller. L’auteur / compositeur impressionne aussi par la délicatesse de ses falsettos. Ceux-ci, gorgés de douleur, présentent des notes allongées, prolongeant ainsi la beauté du verbe lamenté. Dans ce moment suspendu, quand le chant grave revient, il est amusant de le voir tenter de décrocher un « sourire » en réponse à l’ardeur de la six-cordes. Guitare, chant, c’est aussi ce bon vieux mellotron que l’on retrouve sous les doigts de notre troubadour. L’instrument sait porter le deuil (ça, on pouvait le deviner). Sa mélancolie nous touche dans ce bel hommage à John Cale, où les accents optimistes mais troublés de la voix soulignent un espoir fragile. Mais, ô surprise, on voit aussi le clavier fétiche des artistes de rock progressif s’enthousiasmer devant les belles pierres du Quartier latin. Sur des accords magnifiques et une mélodie à faire pleurer, Adrian terminera la soirée avec l’histoire poignante d’un Robinson Crusoé des temps modernes.

Live report Adrian Crowley Band 2

Ensemble ou séparément, Nadine Khouri et Adrian Crowley ont ému le public de la Boule Noire par une sensibilité à fleur de peau, que celle-ci soit dans des tons clairs ou plus sombres.

https://nadinekhouri.com/

https://www.adriancrowley.com/

 

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