Israel Nash – Topaz
Loose Music / Desert Folklore Music
2021
Fred Natuzzi
Israel Nash – Topaz
Je suis tombé un peu par hasard sur Israel Nash en faisant des recherches Youtube. Et je dois dire que le hasard a bien fait les choses, car à peine les premières notes développées, je suis resté scotché dans la bulle temporelle proposée par ce Texan avec ce 6ème album, Topaz. Le son m’a rappelée les efforts de Jonathan Wilson sur certains morceaux de Fanfare par exemple, ce goût des années 70, des grands espaces et d’un son, certes maintes et maintes fois entendu, mais qui fait toujours son effet. Bref, j’étais transporté instantanément sur les routes désertiques et ouvertes des États-Unis avec une cassette de Neil Young coincée dans l’auto-radio. Les cheveux au vent, le sourire aux lèvres, tout en restant dans mon salon, content que j’étais. Puis j’ai rouvert les yeux en me disant qu’il fallait que j’écoute d’autres morceaux de l’album. Aussitôt fait, aussitôt acheté, et en vinyle s’il vous plaît ! Topaz est assurément un voyage spatio-temporel qui convoque les fantômes des esprits de la grande période de Laurel Canyon et qui vous fera du bien, même s’il ne révolutionne en rien le paysage musical. J’ai bien l’impression que ce n’est pas du tout la volonté d’Israel Nash de toute façon. Les dix titres que contiennent Topaz sont juste là pour vous faire vibrer au son folk planant et americana de haute volée.
Avec « Dividing Lines » qui ouvre l’album, nous sommes tout de suite en terrain connu (et conquis). Une folk mâtinée de soul qui ravit et nous intègre dans l’univers 70’s d’Israel Nash. Voix chaleureuse, orchestration classieuse, chœurs féminins tirant sur le gospel, cuivres et guitares au diapason, le charme opère. « Closer » et son harmonica rappelle forcément Neil Young, mais aussi d’autres adeptes du loner comme The War On Drugs, avec une volonté d’étirer cette atmosphère dans une dynamique aérienne du plus bel effet. L’ouverture de « Down In The Country » laisse pantois tellement elle est classe. Ce titre bluesy à souhait ne se refuse aucun effet pour convaincre et il semblerait presque qu’il date de 68 et non de 2021 ! « Southern Coasts » remet une couche Youngienne pour un titre magnifique qui vous emporte dans ce son aérien si mélodique et accrocheur. Le son d’une certaine Amérique fantasmée, utopique, celui qui a défini une époque… « Stay » repose Israel Nash sur terre pour un morceau plus immédiat, une ballade soul qu’aurait pu s’approprier Simply Red par exemple. Efficacité de mise, radio friendly, imparable. Et Nash et ses musiciens ne sont pas des manchots à la guitare…
La seconde face du disque commence par « Canyonheart », un titre aux accents country, sympathiques, mais qui ne se démarque pas de ce qui passe sur les radios country américaines. Cependant, cette simplicité est rafraîchissante et ne dénote pas par rapport au reste des compositions du disque. « Indiana » ressort sax et trompette dans un tempo plus dynamique et dont la mélodie vocale correspondrait très bien à… Neil Young lui-même. « Howling Wind » nous emporte dans une bourrasque aérienne avant que « Sutherland Springs » nous ramène sur un chemin plus clair, évoquant une tuerie tragique au Texas. La route se teinte de mélancolie avec une voix plus émotionnelle, le « Ohio » d’Israel Nash en sorte. « Pressure » ferme ce voyage avec un titre qui aurait pu convenir à Crosby, Stills & Nash (Israel n’a pas de lien de parenté avec Graham), les cuivres en plus.
On a commencé la tête dans les nuages, mais on finit dans une réalité qui n’est pas belle à vivre. C’est là tout le sel d’Israel Nash qui semble vouloir se réfugier dans une époque où la musique représentait, par son ouverture, l’Amérique des rêves et de tous les possibles. Sous ses airs de hippy se cache un artiste qui commente l’état actuel de son pays et l’album est truffé de commentaires politiques. Composé et enregistré dans son ranch, Topaz est un joyau, inégalement taillé, mais c’est bien ce qui fait son intérêt. Et l’album donne furieusement envie de se pencher sur les précédents !