IQ – Ever 2018
Giant Electric Pea
2018
Christophe Gigon
IQ – Ever 2018
Ce disque fait figure de chef-d’œuvre absolu, intouchable et parfait. Toute critique semble nulle et non avenue. Alors pourquoi en parler ? Qui plus est, vingt-cinq ans après les faits ? Cette édition, intitulée Ever 2018 Remix – 25th Anniversary Collector’s Edition, marque, logiquement, l’anniversaire de la parution de l’album. Mais ce coffret luxueux propose, en sus de Ever (remixé, remasterisé et même davantage puisque presque toutes les parties de clavier ont été réexécutées par le dernier tenant du poste, Neil Durant) toute une série de pépites auditives. En vrac : la prestation live de février 2018 pendant laquelle l’intégralité de ce magnum opus est joué, ce qui constitue un formidable tour de force, des versions remixées en 5.1, des démos d’époque, des chutes de studio, des idées inusitées (avec lesquelles n’importe quel groupe autre qu’IQ pourrait bâtir toute une carrière), des enregistrements de répétitions et autres miscellanées musicales de haute teneur.
Replaçons les choses dans leur contexte. Au début des années 90, IQ semble pour le moins moribond, après son essai/échec cuisant de devenir le nouveau Genesis. Deux albums fort bien produits (Nomzamo en 1987 et Are You Sitting Comfortably deux ans après), impeccablement « radiocompatibles », dotés de singles fulgurants (« Promises » ou « Drive On »), menés par un nouveau chanteur blondinet à la voix haut perchée, auraient dû casser la baraque et imposer IQ comme le nouveau groupe de rock à la mode, détrônant ainsi U2 ou Simple Minds. Et ça n’aurait été que justice. Ecoutez ces deux galettes dorées, pourtant largement critiquées – à l’époque – par les fans les plus puristes du groupe et remarquez à quel point la qualité est bien plus présente que sur n’importe quel disque de….U2 ou Simple Minds. Bref, l’opération Mainstream Attack a échoué, malgré une tournée en première partie de Mike & The Mechanics (groupe formé par le guitariste de… Genesis !). Que faire ? Et bien, faire ce que l’on sait le mieux faire, c’est-à-dire une musique puissante et incroyablement émotionnelle, hautement mélodique, parfaitement démodée (donc indémodable), pas du tout radio friendly et nécessitant de multiples écoutes attentives et studieuses. De l’anti-U2 donc. Et c’est la musique qu’IQ élaborait bien avant leur tentative ambitieuse mais malheureuse de prise de pouvoir du hit-parade. C’est la musique qu’ils savent imaginer le mieux. Ils vont même réengager leur chanteur originel, le flamboyant Peter Nicholls (qui n’aurait jamais eu aucune chance, lui, de passer sur M.T.V. !) et tous les ingrédients étaient réunis pour produire un bijou. Et quel bijou ! Pour être franc, il s’agit de pur rock néo-progressif, il s’agit même peut-être du disque de rock néo-progressif ultime, le disque-étalon, celui que l’on présenterait lors d’un cours d’histoire de la musique. Et pour cause, tout y est : de multiples nappes de claviers, des soli de guitare et de claviers à faire pleurer un assureur, des textes à donner la chair de poule, une voix magique, des compositions à tiroirs qui se referment sur leur propre perfection. Tout se présente naturellement et s’offre comme une position esthétique optimale. Et même plus. Chaque (long) titre forme un voyage nouveau duquel nul ne sortira indemne. Le mariage des mots aux sons atteint ici une finesse qui suffit à absoudre tous les mauvais tics si entendus dans le rock progressif. S’il ne fallait citer qu’une piste, ce serait « Further Away », que le groupe lui-même peine à jouer sur scène. C’est trop prenant.
La mort et la souffrance imprègnent l’ambiance de ce disque pour des raisons qui seront claires au lecteur du superbe livret inclus. La carrière d’IQ a redémarré avec Ever. Sans jamais passer en radio ni à la télévision, en se produisant très peu en concert (ils ont tous un « vrai » job !), l’équipe menée par Mike Holmes (le guitariste) a su s’imposer comme le groupe le plus crédible, le plus perfectionniste, le moins décevant du genre, avec leurs collègues de Marillion. Mais Marillion n’a jamais produit un disque aussi sublime qu’Ever. Un manifeste musical exceptionnel. Toute critique est définitivement nulle et non avenue. Séance de rattrapage obligatoire.
Amen.
Sérieusement, Ever est mon album préféré d’IQ. Encore que, niveau intensité, Road of Bones n’arrive pas très loin.
Beau commentaire, bravo. Le lyrisme de tes propos est à l’image et la hauteur de ce qu’est ce disque, effectivement une pure merveille. Dans mon top 5 des albums de prog, avec « Dust And Dreams » de Camel (un autre sommet d’émotion), « Misplaced Childhood » de Marillion, « The Masquerade Overture » de Pendragon et « Snow » de Spock’s Beard.
Et félicitations à toute l’équipe de ce site.
IQ est une de mes groupes préférés de néo-prog, sinon mon préféré, et « Ever » est un excellent album, certes, mais est-ce bien leur meilleur ? Ce serait oublier « Frequency » ou « Dark Matter », « Ever » ayant à mon humble avis un relief moindre…
Disque ultime, disque étalon du néo-prog ? Et « Misplaced childhood » ou « Clutching at straws » de Marillion ? Et « Man made machine » de Carptree ? Pour moi, le CD ultime reste malgré tout un opus de IQ, le déjà cité « Dark matter » : tout y est. La grammaire du rock progressif (et pas seulement « néo » !) élevé au rang de classicisme, une densité d’invention musicale impressionnante, oscillant entre pur lyrisme et virtuosité portée à sa perfection, mais jamais gratuite. Zéro déchet, laperfection, autant qu’on puisse s’en approcher…
Mais je m’en veux déjà de laisser croire que je veuille dévaluer « Ever » : lorsqu’il s’agit de comparer les mérites respectifs des albums d’IQ, c’est un peu comme discuter pour savoir laquelle des perles d’un collier est la plus belle.
Longue vie à IQ (qui porte bien son nom, tant sa musique intelligente nous persuade à son écoute que nous partageons l’intelligence de ses créateurs), et qu’ils nous continuent à nous prodiguer les joyaux qui ne cessent de nous réjouir.
Analyse parfaite de ce bijou…tout est dit…