Hubert-Félix Thiéfaine – Stratégie De L’inespoir

Stratégie De L’inespoir
Hubert-Félix Thiéfaine
2014
Columbia/Sony Music

Hubert-Félix Thiéfaine Stratégie De L’inespoir

Depuis le temps que le barde franc-comtois nous livre, à dates régulières, le fruit de ses dernières élucubrations poético-surréalistes, le complétiste amateur a largement eu matière à compiler un dictionnaire volumineux uniquement constitué des néologismes, barbarismes ou autres expressions consacrées nées de l’esprit torturé du natif de Dole (Jura). Et c’est bien pour cela que l’on aime (ou déteste) le travail du (bientôt) septuagénaire. En effet, pratiquer l’explication de texte des vers du bonhomme relève de la gageure tant l’auteur s’est toujours fait fort d’éviter, coûte que coûte, le cliché ou la formulation ressassée. Au risque de frôler (souvent) l’hermétisme littéraire. Loin de l’excellence formelle d’un Bashung ou de la poésie naturelle d’un Murat (tout en veillant à se tenir à des kilomètres de la vacuité habituelle du reste de la production française), Thiéfaine propose une écriture unique, souvent déroutante, parfois inutilement absconse, mais toujours personnelle.

Il n’y a qu’à égrener la liste de quelques chansons de sa dernière livraison pour se convaincre que l’on ne vient pas d’acquérir le dernier méfait sonore d’un Bruel ou d’un Garou : « Karaganda (Camp 99) », « Résilience Zéro » ou « Retour à Célingrad » ne sont pas des titres que l’on trouve sous le sabot d’un cheval de hit-parade. Ainsi, les vers du bonhomme donneront à nouveau du fil à retordre à l’exégète en goguette, tout en continuant de combler d’aise le public habituel et, donc, habitué. Musicalement, depuis son précédent disque, le très bon « Suppléments De Mensonge », paru en 2011, Thiéfaine a creusé son sillon en produisant un rock simple mais racé, souvent très proche de celui entendu chez Jacques Higelin (« Mytilène Island ») ou sur le Bashung de « Bleu Pétrole » (« Amour Désaffecté »).

Hubert-Félix Thiéfaine

Il est d’ailleurs piquant de constater que, sur scène, l’ambiance envoûtante créée, tant par le charisme naturel du chanteur ( qui n’a rien perdu de sa force même si, de plus en plus, on jurerait entendre le grand Ferré nous conter poème) que par la qualité des musiciens l’accompagnant, n’est pas sans rappeler la « Tournée Des Grands Espaces », du regretté Bashung justement.

Mais force est de reconnaître que l’industrie musicale hexagonale a bien de la chance de pouvoir encore compter sur l’originalité des derniers trublions chantants. Higelin, Murat, Décamps, Thiéfaine, Manset : devenez centenaires, la relève n’est pas assurée.

Christophe Gigon (8/10)

http://www.thiefaine.com/

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