Hommage à Tony Allen (1940-2020)
Lucas Biela
Hommage à Tony Allen (1940-2020)
Tony Allen avait tenu a rendre hommage à Art Blakey et ses Messengers lors de son passage au New Morning le 3 novembre 2016. Aujourd’hui, c’est moi qui rend hommage à Tony dans ce billet.
La musique de Fela Kuti a été une révélation pour moi, tant sur le plan du chant, où le maître de cérémonie l’introduisait avant que le chœur ne prenne le relais, que de ses rythmes uniques, définissant une polyrythmie colorée et inédite alors, sur fond de guitare hypnotique et de saxophone enjoué. Tony a été fidèle à Fela pendant près de 10 ans, avant que le groupe ne se sépare du fait de désaccords sur les royalties. C’est Tony lui-même d’ailleurs qui est à l’origine des polyrythmies si caractéristiques de la musique de Fela Kuti, où se mêlent le jazz et le highlife nigérian qui l’ont influencé. Pour reprendre les paroles de Fela : « sans Tony, il n’y aurait pas d’Afrobeat ».
Dans sa carrière solo, Tony ayant récupéré une partie du groupe de Fela, il poursuivit dans la même veine. Puis il créa une synthèse entre l’Afrobeat, et les musiques alors en vogue, electronica, dub, r’nb et rap, dans ce qu’il a appelé l’Afrofunk. On notera aussi que Tony a pu renouer dans les années 80 avec le Juju de son enfance par le biais de sa collaboration avec King Sunny Adé, et quelques 35 ans plus tard avec le jazz de son idole Art Blakey, dans l’hommage qu’il lui a rendu. La carrière solo de Tony s’est poursuivie jusqu’à récemment, son dernier album solo datant d’il y a 3 ans.
Preuve de l’intérêt que lui portaient les artistes « occidentaux », le regretté Ginger Baker fut le premier batteur de rock à collaborer avec lui à l’aube des années 70, aussi bien en studio que sur scène. Par ailleurs, Brian Eno n’a-t-il pas dit de lui qu’il « était peut-être le plus grand batteur qui n’ait jamais existé ». A partir des années 2000, la réputation de notre infatigable batteur auprès des artistes en vue n’avait pas faibli puisqu’on peut lire son nom sur des albums de Charlotte Gainsbourg, du duo Air ou encore de l’artiste malienne Oumou Sangaré. Par ailleurs, on se surprend à l’entendre aux côtés d’un autre pionnier – de la techno celui-là – Jeff Mills.
Tony ayant mis à contribution ses rythmes uniques pendant plus de deux générations, il était évident que la batterie, c’était toute sa vie. Fidèle à une esthétique qui lui était propre, et à l’instar de cet autre grand de la batterie, Ginger Baker, il n’a jamais cédé aux sirènes de l’argent facile, que ce soit dans ses expériences Afrofunk ou dans ses collaborations avec d’autres artistes/groupes.
Bien qu’il soit maintenant parti, ses rythmes contagieux vont continuer à résonner au travers de ses nombreuses collaborations.
http://tonyallenafrobeat.com/