Hommage à John Abercrombie
RIP John Abercrombie (1944-2017)
Abercrombie : pour la majorité de nos contemporains, ce nom évoquera une marque de vêtements. En revanche, pour ceux qui comme toi, lecteur, ont soif de découvertes musicales, il évoquera la magie d’une guitare regardant vers l’avenir d’un œil ébloui par le passé. C’est ainsi que le hussard du jazz nous a quittés cet été. John Abercrombie, c’était un son et un jeu de guitare reconnaissables entre tous, autant que l’artiste lui-même, la plus célèbre moustache de l’univers du jazz. Actif dès les années 60, il est vite devenu un guitariste-phare du fameux label ECM, suivi par Pat Metheny, Terje Rypdal ou Ralph Towner (avec qui il a commis deux albums en duo sur ce label). Souvent électrique, son style devenait plus personnel encore en acoustique, ou sur la mandoline électrique qu’il fut l’un des seuls à pratiquer dans ce registre, en particulier sur son album solo Characters (1977), son second opus ECM en leader après Timeless. Avec diverses formations en trio ou en quartet, leader ou sideman avec les plus grands noms du jazz sur quantité de labels, il a influencé l’approche contemporaine de la guitare jazz en adoptant et modernisant le style des « grands anciens » des années 50-60 tels Wes Montgomery, Joe Pass et autres. Tant avec ceux qu’il rejoint (Colin Walcott, Gato Barbieri, Michael Brecker, Kenny Wheeler ou encore « LA » voix du progressif polonais, Czesław Niemen) qu’avec ceux qu’il quitte (Jack DeJohnette, Billy Cobham, Peter Erskine, pour ne citer que les batteurs), on se rend vite compte à quel point son jeu innovant était plébiscité dans les milieux qu’il a côtoyés. On regrettera simplement qu’à l’opposé d’autres guitaristes comme Ralph Towner, il ne soit jamais revenu au solo après son sublime Characters au son aérien, bien en phase avec l’esthétique atmosphérique de ce label, dont il est l’un des monuments. Characters et Timeless, deux mots qui résument bien l’essence de ce musicien : un personnage hors norme qui nous laisse une musique intemporelle.
Jean-Michel Calvez & Lucas Biela