Grandval – Descendu Sur Terre
Autoproduction
2020
Lucas Biela
Grandval – Descendu Sur Terre
Grandval, c’est le projet de l’Auvergnat Henri Vaugrand, un personnage très porté sur la langue française, que ce soit dans sa vie professionnelle ou dans ses passions extra-professionnelles. Projet qui s’est concrétisé il y a 4 ans avec l’album A Ciel Ouvert, Grandval a néanmoins germé dans la tête de l’ancien chroniqueur de Clair & Obscur (et actuel chroniqueur de Big Bang) dès les années 90. Son auteur voulait transmettre son amour du rock progressif et de la langue française – faut-il le rappeler – en tissant une trilogie autour des éléments de la nature et de la folie d’une autre nature, humaine celle-là. Après s’être attaqué à l’air dans le premier volet, l’ami Henri s’attaque maintenant à la Terre et à l’Eau. Pour ce deuxième volet, intitulé Descendu Sur Terre, il a rappelé ses amis guitaristes Jean-Pierre Louveton, Kevin Serra et Steph Honde. Parmi ceux qui sont venus grossir les rangs, on compte les guitaristes Christophe Chalançon et Raffaele Spanetta, le batteur Jean-Baptiste Itier et le claviériste Olivier Bonneau. Ce dernier est essentiel puisqu’il apporte une vraie coloration à la musique, là où elle manquait quelque peu dans l’album précédent.
Que nous a donc concocté Henri cette fois-ci ?
Comme les éléments naturels sont toujours présents, nous sommes à nouveau servis par des grands espaces (l’introduction floydienne de l’album, les parties de guitare acoustique le parsemant). De même, la folie humaine se manifeste par des passages plus sombres, portés par les textes critiques d’Henri, des guitares ombrageuses (les « tourbillons » orageux sur « Un Nouveau Destin ») et les rythmes psychédéliques de Jean-Baptiste.
Musicalement, l’arrivée d’Olivier Bonneau, comme mentionné auparavant, apporte un véritable plus. Cela se traduit d’abord sur le plan des arrangements. En effet, le jeu de claviers est très diversifié tout au long de l’album. Cela va des espiègleries marillioniennes aux ambiances tangeriniennes, en passant par les brouillards heepiens, des signaux new waviens et bien d’autres références. La liste de ces références tous azimuths est bien trop longue pour en faire un catalogue exhaustif.
Ensuite, Olivier ayant fait porté Grandval de projet solo à un duo, il est également contributeur des harmonies vocales. La coloration musicale s’accompagne alors d’une plus grande respiration vocale.
Par ailleurs, l’autre nouvelle recrue, Jean-Baptiste Itier, qui n’est plus à présenter pour les fans de Nemo, apporte un véritable dynamisme à l’ensemble, son jeu contribuant à appuyer le côté sombre et « déglingué » (la folie humaine) de l’album, autant qu’à lui donner son côté attachant (sur la belle ballade « Le Chemin A l’Envers », le duo caisse claire / cymbales est aussi complice qu’une mère qui marcherait de dos en tenant son enfant par la main dans la scène finale d’un film).
Le registre vocal « confidentiel » d’Henri a souvent été pointé du doigt. Et pourtant, sur le morceau le plus éclectique de l’album, « La Meute Est Dans La Place », le chanteur rappelle tour à tour Etienne Daho et le regretté Christophe dans cette alternance de trip hop et de rock psychédélique. En voici des noms qui font écho dans la chanson française ! Pour le reste, il est vrai qu’Henri n’est jamais dans les excès de ses références hard rock ou AOR. Je le vois un peu comme un disciple d’Alain Bashung qui insufflerait un peu d’espoir en ayant croisé le chemin de chanteurs à voix théâtrale du rock progressif français des années 70. La bonhommie de sa voix porte de manière intelligible et rassurante un regard très critique sur notre société. Même si ce chant peut sembler mielleux, la qualité d’écriture des textes permet d’y rester aguiché tout au long de l’album.
Dans l’ensemble, cet opus est satisfaisant car riche en ambiances contrastées (dois-je rappeler la palette de couleurs d’Olivier ?), avec une qualité d’écriture indéniable et un bon équilibre entre « rockers » (alambiqués), ballades, et hybrides rockers (toujours alambiqués)/ballades.
Parmi les points négatifs, on notera l’alternance d’anglais et de français sur l’interlude « Puissances De L’Infini » et dans sa reprise en finale de « Il Existe Une Etoile ». Même si j’use et abuse moi-même de l’anglais (mes amis francophones sur facebook en savent quelque chose), les interférences avec l’anglais dans des paroles en français n’ont jamais réussi à me convaincre. A la décharge d’Henri, la reprise reprend un passage des paroles du « Night After Night » d’UK, en hommage à John Wetton. Autre point négatif, « Descendu Sur Terre » et son côté néo-proggien tout émoustillé aurait mérité d’être développé davantage, la fin arrivant de façon trop abrupte, comme si un événement avait contraint nos musiciens à arrêter le morceau avant la véritable fin prévue. Mais ces points négatifs, qui ne le seront probablement pas pour d’autres auditeurs moins pointilleux que moi, ne sauraient ternir l’ensemble.
Album qui décompose le rock progressif des années 70 au travers d’un prisme contemporain, Descendu Sur Terre ravira tous les amateurs de la scène progressive française.