Live report – Aucard de Tours – Blues Pills – Kadavar
Le festival Aucard de Tours a vu le jour voici plus de 30 ans en réaction à l’interdiction d’émettre pour la radio libre de Tours Radio Béton (http://www.radiobeton.com/) promulguée par la Haute Autorité de la communication audiovisuelle.
Après bien des vicissitudes dont la dernière a été le déluge et les inondations de l’an dernier, Aucard de Tours et Radio Béton ont survécu dans un esprit d’éclectisme important. En effet, le rock franchouillard y côtoie l’électro, le hip-hop, le rap, le reggae, j’en passe et des meilleurs. Mais alors, allez-vous me dire, pourquoi, en tant que Tourangeau d’adoption, ne suis-je pas allé y traîner mes guêtres plus tôt ?
La réponse est que le hard rock et le rock progressif, qui sont quand même ma tasse de thé, ne représentent que la portion congrue de la programmation du festival, d’où un regard détaché de ma part sur l’affiche de chaque édition. Désolé si je suis beaucoup moins éclectique que les mecs et les filles de Radio Béton.
Or justement, cette année, j’apprends que les Suédois de Blues Pills sont programmés. En regardant d’un peu plus près, je vois que leurs potes germaniques de Kadavar sont également à l’affiche. Les deux groupes officient dans un rock psyché vintage, faisant partie du courant « revival » qui revient en force actuellement. Je m’informe sans trop de conviction sur les tarifs car pas intéressé pour payer au prix fort le droit d’assister à ces deux concerts pendant deux des cinq soirées que dure le festival Aucard de Tours. En effet, le restant de la programmation me laisse relativement indifférent. Et là, surprise ! Le billet pour les cinq jours ne coûte que 30 € et celui pour une soirée est à 10 € ! Je ne sais pas comment ils font pour être bénéficiaires car même avec les subventions que j’imagine, ça ne fait vraiment pas cher. Du coup, je saute le pas en m’offrant les billets des soirées de mardi et jeudi que je partage avec vous en vous livrant cette mini-chronique du festival axée sur les deux groupes précités.
Tout d’abord, deux mots de ce petit festoch à taille humaine. Aucard de Tours est super bien situé et desservi dans la plaine de la Gloriette à deux pas du centre de Tours. Deux scènes sont érigées sous des chapiteaux. L’ambiance est bon-enfant et les festivaliers sont très jeunes. Pour autant, tout est très bien organisé et joliment décoré avec pour symbole principal, le fuck en cactus. Les bénévoles qui officient au bar sont tous déguisés. Des petits spectacles et activités annexes (parodie du jeu vidéo Mario Bros, cinéma 4X4, pyrotechnie, acrobatie, DJ, etc.) sont disséminés sur le site. Les tarifs des boissons et des en-cas sont très raisonnables.
Pour en revenir à Blues Pills et Kadavar, je vous propose mes impressions de ces deux prestations d’une heure sur un mode parallèle. En effet, il y a des points communs entre les deux groupes à commencer par leur tour-operator mais aussi des différences qu’il m’est apparu intéressant de comparer.
Aucard de Tours n’est pas en Suisse mais les Suédois et les Allemands démarrent leur show pile à l’heure. C’est toujours agréable de constater que l’organisation est suffisamment rodée pour respecter le timing. Les deux groupes possèdent l’originalité d’avoir dans leur rang un musicien français, respectivement le guitariste Dorian Sorriaux et le bassiste Simon « Dragon » Bouteloup.
Blues Pills attaque directement avec le titre éponyme de son dernier bébé à savoir « Lady In Gold ». Le groupe donne dans un rock bluesy mâtiné de soul et de psyché. On remarque tout de suite que le spectacle est assuré par l’électrique chanteuse Elin Larsson à la banane permanente et charmeuse envers le public.
D’autant plus que les autres membres du combo sont visuellement plus en retrait, mis à part le batteur mais j’y reviendrai. Pourtant, au-delà de ses charmes, c’est bien avec sa voix rappelant tour à tour Stevie Nicks, Janis Joplin ou Aretha Franklin que la blonde suédoise séduit le public. Le son est parfait et met bien en valeur chacun des 5 protagonistes du groupe qui s’est renforcé d’un guitariste rythmique/organiste (Rickard Nygren) l’année dernière, la composition parfaite pour un groupe, à mon sens. Le rock psyché de Blues Pills est puissant mais bourré de subtilités et de variations de fort bon aloi. Les refrains sont tout particulièrement accrocheurs.
Kadavar débute, lui, les hostilités avec le puissant « Come Back Life ». Le trio envoie un stoner psychédélique aux odeurs de fuzz avec un son très lourd. Comme trop souvent dans ce cas et afin de remplir l’espace sonore, le mix favorise une basse et une grosse caisse de batterie sur-vitaminées qui écrasent quelque peu les arpèges de guitare et le chant. On comprend très vite qu’ici, ce sont les rythmiques qui enlèveront le morceau, car si c’est plus puissant, c’est moins technique que les Suédois.
Le bon exemple réside dans l’opposition de style flagrante des batteurs. Si tous les deux se mettent beaucoup en évidence, c’est la haute technicité d’André Kvarnström qui éclabousse la scène d’un Aucard conquis avec en particulier un festival de ghost notes de la main gauche sur « Little Sun ». Rien n’est simple dans ce que propose André qui réussit le tour de force de demeurer très groovy du fait qu’il ne sombre pas dans le démonstratif. Christoph « Tiger » Bartelt lui, ne passe pas inaperçu dès son installation à son kit de batterie. Manifestement il joue sur le visuel avec des regards complètement allumés envers le public. Ainsi, c’est lui qui représente l’esprit de Kadavar dont je pensais qu’il s’agissait au départ d’un groupe de black metal (avec un nom pareil, faut pas s’étonner). Un ventilateur placé derrière son tabouret fait voler irréellement ses longs cheveux dans les airs. C’est avec moult moulinets très exubérants que ce fils spirituel de Bonham (dont il ne possède cependant pas la technicité) cogne comme un vrai bucheron sur ses fûts. Pour autant, chacun de ces 2 batteurs colle parfaitement au style de son groupe.
Même constat pour les guitaristes avec Dorian Sorriaux qui joue un peu dans son monde intérieur avec les yeux fermés pendant pratiquement tout le show de Blues Pills alors que Christoph « Lupus » Lindemann n’hésite pas à se frotter au public qu’il tient dans sa main, terminant même juché sur les barrières de sécurité du front de scène. Si tous deux raffolent des sons de wah-wah et autres effets fuzz de leur Gibson vintage, le premier délivre un son plus rond, moins agressif avec des pointes de reverb ou de tremolo témoin cette long jam sur la cover de Tony Joe White, « Elements And Things ». Le second, devant gérer la dualité de la rythmique et des arpèges, est dans un registre plus agressif comme sur un « Living In Your Head » qui sature bien les amplis. Assurant également le chant, il le double souvent avec sa guitare, un peu à la façon d’un Jimmy Hendrix (« Pale Blue Eyes »). Autant Blues Pills joue la carte du groove à outrance pendant tout son show, celui-ci ne survient qu’à partir de « The Old Man » et de « Forgotten Past » pour Kadavar. Ces morceaux donnent le signe d’une montée en puissance atteignant son paroxysme avec la reprise d’« Helter Skelter » qui vient clôturer leur show. Blues Pills n’est pas en reste avec les bandants « Bliss » et « High Class Woman » aux refrains imparables.
Elin Larsson enfonce le clou avec une reprise également en se mettant dans la peau de Grace Slick pour un « Somebody To Love » électrique. Son dernier titre démarré a cappella lui permet de faire chanter « Devil Man » à un public qui n’attendait que ça. Parlons-en de ce public très juvénile et manifestement peu féru de hard rock à en juger par le très faible taux de tee-shirts de groupes et de couleur noire portés au m². Celui-ci, comme moi-même, a pourtant complètement adhéré à ces deux concerts, manifestant même sa passion par les pogos vers la fin du set de Kadavar. Aucard de Tours pourrait peut-être étoffer son affiche avec des groupes de ce style lors des prochaines éditions et les mettre peut-être un peu plus haut sur celle-ci avec un temps de prestation allongé et pourquoi pas, en ménageant la possibilité d’un rappel.
Je ne peux pas terminer ce report sans dire deux mots de l’étrange Martintouseul et sa délirante machine à susciter les vibrations, j’ai nommé « L’électronik Jâze ! ». Imaginez un papy, hybride de camelot/savant fou qui harangue une jeunesse alanguie sur la pelouse à coup de micro trafiqués et de samplers allumés. À force de provocations, d’ironie, de mots d’esprits et d’une bonne dose d’autodérision, il parvient à tous les faire se lever en transformant en dancefloor improvisé et fraternel Aucard de Tours. Réellement très amusant.
Un grand merci à mon sauveur, Aurélien Germain de TMV à qui je dois la photo de Kadavar, tête en l’air que je suis, moi qui avais oublié mon portable ce soir là (comme quoi, on peut vivre sans … ou presque!).
Rudy Zotche