Factor Burzako – 3
Factor Burzako
AltrOck Records
Drôle de génération que la nôtre, celle qui a grosso modo grandi dans les années 80 et se promène autour de la quarantaine. A quinze ans, vers 1980, on se rend compte qu’on arrive un peu trop tard, que les glorieuses seventies sont derrière nous, qu’on ne verra jamais en concert la plupart des grands groupes rock et que le genre « progressif » appartient peut être au passé. Déboule alors Marillion et, à sa suite, une cohorte de formations anglo-saxonnes : on revit. Dans les années 90s, les uns après les autres, nos héros originels ressortent du tombeau. On va voir en concert Kansas, Yes et tant d’autres. Mieux même : The Musical Box nous offre des sensations qu’on aurait pu ressentir à un set de Genesis au début des seventies. Le présent et le passé se mêlent et se brouillent. Le courant RIO (« Rock In Opposition »), dont la musique a toujours été d’outre tombe, n’a par contre guère envie de sortir de sa confidentialité.
Lancé dans une carrière ambitieuse, le projet Factor Burzaco, dirigé avec brio par le multi instrumentiste argentin Albert Gilbert, redonne pourtant aujourd’hui ses lettres de noblesse à un style devant tout autant à Univers Zero, Present qu’à Henri Cow (la liste est très loin d’être exhaustive). Ne voyez point ici de motivations commerciales tant le style en question n’a jamais touché le grand public et a construit sa carrière sur un refus catégorique de toute forme de compromission. De fait, les dix compositions gravées sur cet album sont imprégnées de blocs d’angoisse rageuse et proposent des mélopées faisant face au néant. Elles touchent à une sorte de chaos primordial (« La Verra Storia Di Tristan O », « En Transito, Adusep Mal », « Soga Func »), bloc d’énergie en fusion émergeant du néant (ou y retournant).
Entre fureur (« Evasion Imposible ») et accalmie (« Soga »), apaisements et rugissements, ces morceaux défient toute description mais donnent des clefs précieuses. Les créations du combo naviguent ainsi entre la tension d’un volcan en éruption mélodique permanente (« Silicio ») et des improvisations débridées (« Inter Diccion », aux vocaux féminins totalement habités). Une musique exigeante, donc, qui fera le bonheur des plus curieux d’entre vous.
Bertrand Pourcheron (7,5/10)
https://factorburzaco.bandcamp.com/
Un extrait de l’album « II » :