Étienne Daho – Blitz
Virgin
2017
Étienne Daho – Blitz
Étienne Daho vieillit bien. Oubliées depuis longtemps les images du jeune Breton punaisées sur les murs des chambres des lectrices de Podium ou Salut. Il est vrai que le Brestois aurait pu bien mal finir. Mais comme l’homme est intelligent et mélomane, il a vite su éviter les pièges du hit single et son corollaire de passages honteux dans des émissions où l’artiste sert de faire-valoir à des animateurs incultes et drôles comme un film avec Jean Dujardin.
Passées les années quatre-vingt et leurs lots de succès mérités (« Tombé Pour La France », « Épaule Tatoo », « Duel Au Soleil » et autres « Bleu Comme Toi »), Daho s’est entrepris à forger une œuvre qui frisera souvent l’excellence, voire l’atteindra (L’Invitation). Chaque nouvel album force au constat qu’il faut bien admettre que ce grand timide côtoie les plus grands, de Bashung à Murat, en passant par Christophe et Sheller. Le musicien a des lettres, ce qui ne gâche rien. Ses influences britanniques, françaises et américaines font toujours preuve de bon goût (David Bowie, Syd Barrett, Lou Reed ou Stinky Toys). De plus, la scène le révèle : il prend merveilleusement la lumière et son filet de voix devient filet d’or. Le charisme immense, mêlé à un perfectionnisme dévolu aux arrangements, confine à la maladie. De fait, depuis Paris Ailleurs (1991), l’amateur attend le nouveau disque de Daho comme une preuve supplémentaire du génie de ce musicien-éponge, qui vit par et pour le son dont il dépasse très souvent le mur (Corps Et Armes).
Blitz a débarqué en 2017 et a tout de suite fait surgir les critiques les plus élogieuses, même si beaucoup ont relevé la forte imprégnation du travail du premier leader de Pink Floyd. Il est vrai que des titres comme « Les Filles Du Canyon » ou « Chambre 29 » font vraiment penser aux disques erratiques du fou de Cambridge, les finesses de production en sus, comme toujours avec Étienne Daho. On croirait écouter la dernière sortie d’un jeune groupe anglais… qui chanterait en français. La variétoche n’a jamais été la tasse de thé d’Étienne. Une chanson pop de qualité, oui.
L’illustration de pochette, d’un goût douteux, ne rend pas vraiment hommage à la délicatesse et à la rigueur des douze pistes du tonnerre qui forment ce Blitz qui, s’il n’est pas foudroyant, peut tout de même figurer sans honte aux côtés des autres galettes de platine du sexagénaire toujours fringuant. L’exigence maintient.
Christophe Gigon