Eric Gillette – The Great Unknown
Eric Gilette
Eric Gillette Music
Avant toute chose, je vous ferai grâce pour cette chronique de toutes les faciles allusions au système pileux et à son élimination en rapport avec le nom de l’artiste, afin de ne pas rendre mon propos trop puéril. Le jeune Padawan Eric Gillette manie sa guitare avec autant de classe que si c’était un sabre laser. Alors, disons-le de suite, c’est une fine lame (arf ! j’ai craqué d’entrée. Promis, c’est la dernière fois !). Bien calé dans les traces de son Maître Jedi, Neal Morse qu’il accompagne d’ailleurs dans les tournées de son groupe éponyme, Eric nous avait gratifié d’un premier effort très encourageant mais, comme souvent dans ce cas-là, bien trop influencé par son mentor. Cette fois ci, l’artiste semble avoir parfaitement digéré ses biberons « morsiens », a fait son petit rototo et peut imposer désormais son propre style. Il faut dire qu’au-delà de son talent éblouissant à la 6 cordes (mais aussi à la basse, aux claviers, à la batterie…), il possède également un organe vocal épatant . De plus, comme il est beau gosse, je dirais qu’il a tout pour réussir, au point que ça rendrait fou de jalousie l’être le plus dépourvu de personnalité. C’est vrai quoi, ça n’est pas juste d’avoir été autant gâté à la distribution des prix et des talents à la naissance.
Pour parler de l’album puisque c’est ce qui vous intéresse, je dirais qu’il est très équilibré, entre un percutant metal progressif qui vous prend à la gorge dès les premiers morceaux, et des titres beaucoup plus mélancoliques et sensibles, surtout présents en 2ème partie d’album. Il est toujours difficile d’éviter les comparaisons dans une chronique, car elles permettent de mieux expliquer le propos et de se faire comprendre du lecteur. Et puis, c’est désormais très compliqué d’être totalement original, même en matière de rock progressif. Alors, disons que l’on retrouve pêle-mêle des schémas à la Threshold (« The Aftermath », « Runaway »), Dream Theater, Haken (parties instrumentales d’ « Escape »), Demians (« Damage Is Done » et « All I Am »). Quelques traces d’influence du chant de Neal Morse subsistent sur les refrains d’ « Escape » et d’« Empty », mais elles sont tellement ténues qu’elles ne dérangent absolument pas.
Eric s’est entouré de l’autrichien Thomas Lang (stOrk ) à la batterie, ainsi que des duettistes d’Haken Conner Green à la basse et Diego Tejeida aux claviers. Des acolytes de cette qualité ne peuvent pas être relégués au rang de faire-valoir, je pense principalement à Diego Tejeida dont les soli de claviers peuvent passer du jazzy (« Escape ») à des sonorités plus vintage ( « Runaway »).
Le plat de résistance de cet album est « Escape ». Ca n’est pas pour rien si ce titre est déjà cité 2 fois dans cet article (et là, vous êtes en train de retourner en arrière pour le vérifier ! On les voit ceux qui suivent !). Bien sûr, sa durée épique de plus de 18 minutes n’y est pas étrangère, mais il ne s’agit aucunement de remplissage. Eric a facilement évité le piège des longueurs et des enchaînements laborieux. De l’intro grandiloquente au final qui ne l’est pas moins, on ne s’ennuie pas une seule seconde. Les tableaux successifs sont emprunts de sensibilité puis d’agressivité, impulsés par un timbre de voix d’une clarté éblouissante. Quand les cordes vocales s’effacent pour laisser la place aux instruments, le tempo s’accélère et le propos s’alourdit sur une rythmique bétonnée. La symbiose des 4 protagonistes est totalement aboutie sur cette partie instrumentale de très haute volée. Les arpèges de gratte tombent comme les gouttes d’eau d’une cascade fracassante et limpide.
D’un point de vue technique, certes, les schémas employés sur cet album ne sont pas particulièrement hyper complexes en matière de construction des morceaux et des rythmes. Mais comme je ne suis pas fan de la surenchère à ce sujet, cela me convient tout à fait. Alors, accros de passages bien barrés et chelous, vous n’y trouverez pas forcément votre bonheur. Par contre, on peut dire que la technique est mise au service des mélodies et réciproquement. C’est certainement pourquoi cette galette, aussi équilibrée et harmonisée, passe si bien dès les premières écoutes, et ceci sans jamais lasser.
Ainsi donc, The Great Unknown pourrait aisément devenir The Great Known, tant ce CD mérite d’être connu et projeté en pleine lumière. Il s’agit en définitive de mon premier coup de cœur sur Clair & Obscur, c’est dire ! Alors, longue vie à ce grand (presque) inconnu qu’est Eric Gillette, mais gageons qu’il ne le restera plus très longtemps à l’école des Jedi.
Rudy Zotche
(Photo : John Zocco)