Electric Wizard – Time To Die
Electric Wizard
Withfinder/Spinefarm Records
Ding ding ding… Qu’entends-je ? Entends-tu, toi aussi, les carillons ? Dinde farcie ras-le-cul de marrons obèses, nappe rouge rutilante, décoration choupinette. Les retrouvailles annuelles, le costume quatre épingles de Tata Fernande (mais si, la sœur de mamie Odette, ça y est ? Vous la remettez ?), la bonne ambiance, chaleureuse, aimante, les lumières partout. Putain, mais qu’est-ce toute cette mise en scène me fait copieusement chier ! J’aime pas cette foutue période qu’on attend sans l’attendre. Ding ding ding… C’est l’heure des publicités, Reichman et Arthur en prime time, l’angoisse quoi, des congés pris à l’arrache et des moments où, ben, t’es obligé de rester au taf avec un bonnet ridicule de père noël vissé sur l’occiput, l’angoisse, encore… Toute la famille passe les fêtes dans la maison de campagne chauffée au poêle à bois et toi, tu restes là, comme un gland, posté devant la seule fenêtre de ton studio, la bière à la main. Tout ce qui a été énoncé plus haut et ben tu l’auras pas mon gaillard. Tu devrais être content hein ? Et bé non, même pas ! Paye ta raison et ouvre ta bouteille, cassos.
Durant ce réveillon qui remonte à quelques jours (quoi ? Déjà ?!), j’ai trouvé le réconfort, l’hectolitre qui te bourre, le gaz stimulant qui te bouche les bronches, noir, forcément. Non, ce n’est pas le père noël qui sort sa tête de vieux pervers pédophile de la cheminée en plastique, c’est Electric Wizard ! Mais pourquoi maintenant ? Pourquoi précisément le soir de la naissance du divin enfant, de l’amour à gogo, des coups dans la gueule que t’as pas le droit de rendre et que tu dois même redemander poliment avec un sourire niais ? Parce que je m’en tape, voilà ! Et que pour moi, c’est plutôt le moment idéal de vous parler de la bête immonde, la même qui vient de ré-émerger de son antre dimensionnelle, avec son graphisme moche (mais complètement à-propos) et sa lourdeur, qui atteint ici le niveau de « meta-lourdeur ».
Oui, car on travaille la lourdeur de la lourdeur chez Electric Wizard. En soi, c’est déjà un sommet d’habitude. Sauf qu’ici, en plus, tu rajoutes le son seventies fuzzé, l’écharpe violette comme si tu allais à la première de « Drugula » (à moins que ce ne soit « Dracula 1973 » ? Hum…). En gros, un son plus cradingue et organique qu’à l’accoutumée, sur des vapeurs que la morale traditionaliste réprouve, et dont les premières secondes font déjà leur petit effet tandis que tu te racles la gorge déjà bien anesthésiée. Bah oui, c’est évident, pour écouter Electric Wizard, il ne faut pas être à jeun. Tu murmures « Sweet Leaf, Sweet Leaf », tu titubes gauche-droite, gauche-droite, tu as la sale impression que des tentacules épineuses sortent du plafond alors que tu chauffes tranquillement ta pipe.
Et, surtout, tu penses obsessionnellement aux nombres de bières restantes dans le frigo alors que tu mesures, à vue de nez, le tour de poitrine des femmes qui te désirent dans leurs robes transparentes. Le trip qui te fait déconnecter de la réalité immédiate, voire de l’époque tout entière. N’y pense pas, t’es même plus là ! Tu inspires et tu expires la fumée. « Magie Electric Wizard approved », c’est le mode d’emploi. Après, Jus Osbourne, Liz Buckingham et toute cette bande « sciences occultes » du Pays deGalle, c’est vrai qu’elle te refile toujours un peu la même came. Mais quand le dealer est bon, pourquoi s’en priver ? Service clientèle oblige. Tu navigues dans la bourbe, un ch’ti côté artisanal, de la violence faite maison. Ça sent quand même un peu moins l’ampli seventies qui crache ses dernières heures, la preuve, j’entends la batterie ! (« Black Masses » en avait largement sonné le glas).
Mais bon, tu as quand même tout le style entre les écoutilles : jam, riff sixties, titres faits à l’arrache, samples cinématographiques inconnus, synthés analogiques, bref, la recette Electric Wizard. Une première moitié qui défonce avec son lot de sabbats (quotient filles dénudées largement atteint) et de décibels bandulatoires, suivie d’une dernière partie plus lascive et sans prise de nœuds, histoire que la descente soit un peu moins laborieuse, alors que tu bois ta dernière bière plus lentement, vu que tu commences à sentir les aléas de la fatigue et de la résistance qui est loin d’être infaillible (surtout que tu bosses le lendemain, quand même !).
Electric Wizard, on peut les défoncer si on veut (et « Time To Die » n’est pas en reste), mais comme groupe fidèle (et accompagnateur de soirées d’exception), te ne trouveras pas mieux sur le marché. Et tu arboreras toujours un petit sourire carnassier psychopathe à l’entame de tel ou tel riff, qui montrent tous à quel point les Anglais connaissent et maîtrisent la recette du savoir-vivre heavy du drogué permanent. Alors, ce que j’en lis, ce que j’en entends, je m’en contrebalance au moins autant que de la soirée du 24 décembre. Ils peuvent se gaver d’huîtres et de foie gras bio pendant que la dinde dore au four, ce n’est pas grave.
Parce que cette foutue soirée, je l’aime pas, j’aime pas Noël ! Je ne vous aime pas non plus d’ailleurs. Ce n’est pas bien grave vous me direz. Mais, qu’entends-je au loin ? Ding ding ding… Oh, oh, oh… Bon allez, rideau !
Jérémy Urbain (8/10)