Dream Theater – A View From The Top Of The World
Inside Out Music
2021
Rudzik
Dream Theater – A View From The Top Of The World
Coucou, les revoilou ! Les dinosaures du metal progressif sont de retour. Dream Theater est revenu pour nous donner sa vision du haut du monde avec A View From The Top Of The World. N’y voyez aucun rapport avec l’interminable pandémie, car il s’agit d’une allégorie des champions de l’extrême, à savoir les surfeurs, alpinistes, skieurs, etc. qui bravent la mort pour obtenir leur dose d’adrénaline afin, apparemment, de se sentir « plus vivants »… euh… quand ils survivent bien sûr !
James Labrie affirme que Dream Theater aborde chaque nouvel album comme si c’était le premier. Certes AVFTTOTW (même en acronyme, c’est super long à écrire !) montre un net regain d’inspiration, dans la lignée de Distance Over Time sorti il y a à peine plus de deux ans, mais je peux affirmer que le groupe n’a pas toujours été dans cet état d’esprit, avec un gros coup de mou (ou de prétention ?) à l’époque de The Astonishing notamment ou à la fin de l’époque « Portnoy ». Le brutal arrêt de leur tournée mondiale commémorant les vingt ans du masterpiece Metropolis Pt. 2: Scenes From A Memory y est pour quelque chose puisque, d’une part, le groupe s’est retrouvé désœuvré et, d’autre part, rejouer les titres de cet album mythique ainsi que ceux de l’encourageant Distance Over Time a redonné la dose d’inspiration précitée aux cinq comparses.
Ce second souffle dans leur carrière est perceptible dès le furieux blast initial de « The Alien », premier titre de l’album, mais également premier à avoir été composé et enregistré. Il est inspiré par une interview d’Elon Musk dans laquelle il évoque les perspectives d’implantation sur d’autres mondes, ce qui fait dire à John Petrucci « We become the alien ». Le morceau alterne les parties énergiques avec des envolées mélodiques sur lesquelles la sept cordes (en attendant la huitième petite sœur, mais j’en parlerai plus loin…) sait se montrer mélancolique à souhait. Ce chanteur si décrié qu’est James Labrie continue à se montrer indispensable pour caractériser la musique de DT. Il ne fait pas partie des chanteurs que je préfère, mais je trouve foncièrement injuste les volées de bois vert qu’il reçoit pour ses performances vocales. J’ouvre une parenthèse pour faire remarquer que dans un groupe, le chanteur est le seul membre dont l’instrument régresse avec le temps (n’y voyez aucun parallèle avec une analogie sexuelle) alors que les autres zikos bénéficient d’instruments toujours plus performants et à la pointe de la technique. Certes, un jour, il faudra bien s’arrêter (Phil Collins, si tu m’entends !), mais ce jour apparaît encore très lointain pour James et dans la lignée de ce que j’écrivais pour Distance Over Time, je fais le constat qu’il adapte remarquablement sa performance vocale à ses capacités actuelles sur cet album. En clair, il chante moins haut, mais compense largement ceci par un groove plus affirmé. Il a aussi plus souvent recours à des chœurs comme sur le très classique « Answering The Call » dont les duels claviers / guitares ahurissants renvoient aux plus belles heures de Metropolis Pt. 2: Scenes From A Memory. Après une majestueuse intro, « Invisible Monster » se montre plus assagi bien que solidement supporté par le métronome Mike Mangini. On y retrouve des accents mélancoliques savamment dosés notamment après un temps calme à mi-titre. Qui a dit que la musique de Dream Theater n’avait pas d’âme ? Je parlais de joutes guitare/clavier et c’est certainement sur « Sleeping Giant » qu’elles sont le plus jouissives y compris sur certains riffs. Cette perle traitant du côté sombre que chacun recèle (oui, oui, toi aussi tu as des pensées malsaines inavouables) et qu’il faut maîtriser afin de ne pas laisser le géant s’éveiller. La performance des cinq virtuoses y est époustouflante de justesse que ça soit en termes de soli riffs et rythmique. J’apprécie aussi, tout naturellement, que la basse ondoyante de John Myung ne soit pas noyée dans la production.
Le péché mignon des groupes de metal nord américains est toujours ce côté pop rock et sucré qui ressort régulièrement. Ici, c’est sur « Transcending Time », sous très forte influence Rushienne, qu’on y a droit. Sans doute est-ce le « Sleeping Giant » (comprenez par là, le côté inavouable) de la musique de Dream Theater ? Exit le sucre pour revenir au piment metal prog avec la sévère intro d’« Awaken The Master » sur lequel John Petrucci utilise une gratte 8 cordes pour la première fois. Ne comptez pas sur moi pour vous détailler techniquement ce que ça apporte, mais ça doit certainement servir à quelque chose non ?
Dans le genre vieille recette, Dream Theater nous refait le coup d’Octavarium avec le morceau éponyme d’une durée de vingt minutes en dernière place de l’album. Le groupe explique essayer de se mettre dans la peau du sportif de l’extrême qui se lance dans une prise de risques ultime où le moindre faux pas lui coûtera la vie. Bon, OK, John Petrucci reconnait que tout est relatif, car ses comparses et lui n’y laisseront pas leur peau s’ils se plantent. Mais eux aussi sont bien préparés et rodés à ce type de performance. Alors le résultat donne un morceau à tiroirs très impressionnant et jamais lassant où il n’y a pas surabondance de décibels et d’arpèges. L’alternance entre des couplets laborieux, torturés, sombres et des refrains plus enlevés est parfaite. La partie calme à mi-titre est de toute beauté grâce aux solistes hors pairs que sont John Petrucci, Jordan Rudess et James Labrie. En particulier, les régulières incursions dans les sonorités Hammond de Jordan ne sont pas pour me déplaire.
Pas de doute, Dream Theater continue à emprunter les chemins de la rédemption avec A View From The Top Of The World, car comme dirait James Labrie, du fin fond de son Canada natal où il a enregistré la majorité de ses parties de chant (pandémie, quand tu nous tiens) : « None of us have slowed down ».