Draw The Lines – Metamorphose

Metamorphose
Draw The Lines
Autoproduction
2024
Thierry Folcher

Draw The Lines – Metamorphose

Draw The Lines Metamorphose

Au départ, je n’étais pas destiné à chroniquer Draw The Lines et puis les circonstances en ont décidé autrement et je me suis retrouvé avec cette mission à remplir, je ne dirais pas de gré ou de force, car chez Clair & Obscur, on ne fonctionne pas comme ça, mais avec au moins, la décence d’écouter Metamorphose en entier. « Ça devrait te plaire… », voilà les mots d’encouragement que ce cher Palabras De Oro m’avait envoyés. Des mots à double tranchant, car même si on se connaît relativement bien dans l’équipe, on n’est pas forcément dans la peau de l’autre. Je suppose que ce sont mes affinités avec les mondes allumés de Gong, Hawkwind, Art Zoyd, et surtout Magma qui ont dû l’inciter à me contacter. Et c’est marrant, car tous les noms que je viens de citer se retrouvent plus ou moins dans la musique de Draw The Lines. Alors, si vous êtes fans de ces groupes, je vous encourage vivement à rester avec moi jusqu’au bout et pour les autres, je demanderai juste de faire preuve d’ouverture et de tenter la découverte d’univers musicaux un peu plus décalés et moins « grand public ». Pour moi, Metamorphose fut une belle découverte, même si je reconnais que ce n’est pas forcément le genre de création à mettre entre toutes les oreilles. Je reste néanmoins persuadé qu’il faut sortir des a priori injustifiés et tenter des choses plus ambitieuses. Puisque la question de la légitimité ne se pose plus, c’est bien volontiers que je vous propose de faire plus amplement connaissance avec Draw The Line et notamment avec son père fondateur, le dénommé Guillaume Bric, un personnage à la carte de visite impressionnante et à l’inclinaison musicale très orientée années 70.

Draw The Lines est né des cendres de Draw The Sky dont l’album Humanity avait déjà occupé nos colonnes en 2017. Un groupe prometteur, fort bien accueilli par la critique et sur lequel, Guillaume Bric occupait la batterie avec une jolie maestria. Autant le dire tout de suite, le monde de Draw The Lines est assez éloigné de celui de son aîné. On retrouve néanmoins des improvisations assez semblables et cette même volonté de mettre du groove sur les notes et les rythmes. Mais là où Draw The Sky restait dans des zones éclairées, Draw The Lines se complaît dans l’obscurité et s’éloigne allègrement des conforts d’écoute habituels. Surtout ne fuyez pas ! La magie du clair-obscur fera de Metamorphose une expérience auditive de première classe. Rappelez-vous King Crimson ou Gentle Giant, c’était constamment basé sur le même principe. Ce nouvel album appartient à Guillaume Bric, c’est lui qui en a dessiné les lignes et qui l’a fait voyager de Paris à Toulouse en passant par l’île de La Réunion. Un périple semé d’embûches, mais nécessaire à l’assemblage de chaque ingrédient et de chaque idée qu’il se devait de transmettre correctement à ses invités. Le casting était important, car il était tenu de répondre aux attentes de Guillaume, pas forcément les plus courantes en termes de création artistique. Ce sont donc des musiciens accomplis et bien impliqués qui l’ont accompagné lors des trois séances de studio où Métamorphose fut élaboré puis enregistré dans des conditions quasiment live.

Draw The Lines Metamorphose Band 1

Et cela se ressent à l’écoute du disque où la spontanéité arrive à faire bon ménage avec une écriture particulièrement ambitieuse et très éloignée des repères habituels. Est-ce un bien, est-ce un mal ? Difficile à dire, car se défaire d’un certain confort peut être aussi stimulant que périlleux. Et c’est parti pour plus de cinquante minutes de musique progressive où le rock et le jazz se plieront au bon vouloir de l’écriture ou de l’impro. En bon chef d’orchestre, Guillaume ouvre l’album par un déferlement de toms et de cymbales capables de réveiller les distraits et de vérifier la qualité de nos équipements Hifi. Ça raisonne, ça pulse et ça lance un orchestre où se mêlent voix et instruments dans une mise en scène presque cinématographique. La musique arrive par vague et le propos interpelle. La guitare de Théo Morel, les instruments à vent de Daniel Beaussier et d’Éric Fisher ainsi que la voix de Mélissa Clédat de la Vigerie sont les principaux acteurs de « Machines Will Never Know », un premier titre coup de poing qui demandera de la patience et de l’attention pour être apprécié. C’est qu’ici, on est loin de la consommation sans risque et sans saveur. Ensuite, « Will Machines Nerver Know » pose la question de notre survie. Les décors de Moebius et de Philippe Druillet s’installent et la musique ajoute sa part d’irrationnel, d’effroi et de majesté sur plus de dix-sept minutes intenses et belles à la fois. Je recommande tout particulièrement la virée bossa du milieu, véritable moment de grâce chanté à plusieurs voix et qui détend une atmosphère le plus souvent orageuse.

On l’aura compris, l’ambiance du disque cultive ce fameux chaud et froid qui secoue l’auditeur et le rend attentif. C’était courant dans le rock des années 70 où le formatage musical n’existait pas encore et pouvait laisser libre cours à toutes sortes de délires. En écoutant Metamorphose, je comprends mieux l’attrait de Guillaume pour ces années-là et sa capacité à nous offrir un titre comme « Heresia » dont la prose très musicale nous renvoie au bon souvenir de Stella Vander et de son improbable kobaïen. Le même genre de discours surréaliste qui se termine ici en langage Shadock. La basse gronde, les cuivres deviennent épileptiques et les percussions maintiennent avec intensité un jazz zeuhl ébouriffant. C’est complètement décoiffé que l’on enchaîne avec le court « Nuée d’Orbes » et son scat cosmique, toujours bien imprégné de la magie Magma. Sur ce titre, l’écriture est plus directe et certainement plus accessible. Une jolie transition qui prépare l’ultime « Livre Ouvert (Chapitre I – Visages) », à coup sûr, un de mes moments préférés du disque. Sur ce dernier morceau, la musique est imaginative et maintient l’attention grâce aux douze minutes d’un rock psychédélique bien amené. Un peu à la manière de Gilli Smyth, Mélissa vocalise plus qu’elle ne chante et fait littéralement décoller cette longue épopée aux cadences de claviers flirtant du côté de Vangelis (mais oui !).

Draw The Lines Metamorphose Band 2

Le monde musical de Guillaume Bric est vaste, il fourmille de références et d’idées qu’il a fallu assembler de façon cohérente pour permettre à Metamorphose de voir le jour. Une aventure réussie grâce à une équipe solide et dévouée à laquelle il faut associer Matthieu Mitchell à la console et Timon Ducos aux illustrations. Je ne dirais pas que Metamorphose m’a transformé, car je me connais assez pour savoir que ce genre de musique m’accompagne maintenant depuis de très nombreuses années. Je constate simplement qu’à travers le monde, de jeunes musiciens s’essayent à produire « autre chose » et même si les médias et la foule ne sont pas toujours au rendez-vous, rien que de savoir qu’une telle démarche existe, est vraiment encourageant pour l’avenir de la création artistique.

https://drawthelines.bandcamp.com/album/metamorphose

 

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