Dragon – Arcydzieło Zagłady
Metal Mind Productions
2021
Lucas Biela
Dragon – Arcydzieło Zagłady
Dragon est un groupe de thrash polonais qui a vu le jour dans les années 80. Ils se sont faits d’abord connaître en tournant dans des festivals avec d’autres groupes montants de la scène metal polonaise (Wolf Spider, Stos, Kat, Turbo…). Puis les choses sérieuses commencèrent avec un premier album à la fin des années 80, Horda Goga. On y découvrait un thrash véloce avec quelques touches techniques, tout à fait dans la lignée de ce que faisait Turbo à l’époque (et dont le lien ne s’arrête pas là, puisque Grzegorz Kupczyk a prêté sa voix à la version anglaise de l’album).
L’album suivant, Upadły Anioł, marque l’arrivée au chant d’Adrian Frelich. Le chant guttural, tranchant radicalement avec le prédécesseur, et les blast beats, font alors de Dragon un des pionniers de la scène metal extrême polonaise. 3 autres albums verront le jour avant que le groupe ne se sépare. C’est seulement 20 ans plus tard que Frelich décide de réactiver le groupe avec le guitariste des débuts, Jarek Gronowski. Le batteur originel, Krystian Bytom, devait aussi être de la fête, mais il a décliné l’offre. Ce sera un tout jeune batteur, Mikołaj Toczko, qui prendra sa place. Le line-up sera complété du bassiste de Kat, Krzysztof Oset. Alors, qu’est-ce qu’on pouvait attendre de ce retour ? Allaient-ils poursuivre dans la veine «industrielle» de l’album de la séparation, ou reviendraient-ils au thrash/death de leurs débuts ?
C’est bien évidemment vers le style qui les a fait connaître que la bande à Frehlich s’est tournée. Est-ce donc un retour gagnant ? Pour qui connait le groupe, et si on le place dans le contexte de la scène metal actuelle, c’est effectivement une bonne surprise. La vélocité est toujours au rendez-vous, mais la musique est plus posée, avec plus de variations dans les tempos, et sans la pression de l’anglais puisque c’est le polonais qui est plébiscité sur les 8 pistes. Le chant de Frelich est devenu plus mélodieux, on retrouve la progression que Nick Holmes (Paradise Lost, Bloodbath) pouvait présenter dans sa voix entre Gothic et Shades of God. Son compagnon de longue date, Gronowski, délivre des riffs toujours aussi ravageurs et ses solos continuent à être renversants. Même s’il montre les gros bras, il ne perd jamais de vue la mélodie. On peut retrouver ce talent d’acrobate sur le morceau qui clôture l’album, «Klatka Przeznaczenia», où se cotoient le chaos, l’espoir et des ouvertures lumineuses. Le leader Frelich fait certes régner la désolation dans les appels du pied, mais le salut reprend le dessus dans les refrains, allant en cela dans le même sens que son acolyte des débuts. Par ailleurs, un morceau comme «Czas Umiera» démontre toute l’étendue de son talent, un chant presque diphonique s’intercalant entre un chant démoniaque et un semi-récitatif lugubre. Le troisième ancien de la nouvelle formation, Oset, ne reste pas en retrait puisque les vrombissements continus de sa basse participent de la tension si importante pour créer les contrastes avec les appels à l’espoir. De manière générale, on n’est plus dans le thrash primitif des premiers Kreator ou Destruction, la construction des morceaux étant plus recherchée, le chant étant plus varié et le nouveau batteur apportant à la fois une touche plus moderne et des rythmes plus proches du metal actuel. Cette approche plus contemporaine est parfaitement illustrée par le morceau «Skaza» où la réflexion et la résolution se relaient. Par ailleurs, La complicité est évidente dans les échanges de notes entre les différents protagonistes et le plus jeune de la formation semble s’entendre comme larrons en foire avec ses partenaires de jeu.
Avec ce nouvel opus, Dragon ne voulaient pas laisser à ses fans un goût amer dans leur bouche. En effet, l’album de la séparation, Twarze, voyait le groupe s’essayer à un rock industriel assez terne. Dragon suivaient en cela la tendance des groupes thrash des années 80, qui cherchaient à tenter «autre chose», cet «autre chose» marquant aujourd’hui une tache indélébile dans leur discographie. Avec Arcydzieło Zagłady, le groupe a ravivé ses couleurs d’origine, en leur donnant un éclat à la hauteur des formations actuelles. Espérons seulement que ce retour inattendu se poursuivra avec, si la situation sanitaire le permet enfin, la possibilité de les croiser à l’occasion de festivals.
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