Dizorder – Moon Phases
Autoproduit
2018
Jean-Christophe Mouton
Dizorder – Moon Phases
Si je vous demande là comme ça tout de suite de but en blanc : « metal au féminin » vous me répondez ? Vous me répondez ? Mais non ! Pas Evanescence !
« Ah ! non ! c’est un peu court, jeune homme !
On pouvait dire… Oh ! Dieu !… bien des choses en somme. »
La maison ne recule pas devant une citation de Cyrano de Bergerac. Oui, je m’attendais à ce que que vous me citiez Nightwish (mais uniquement période Tarja) ou The Gathering (mais uniquement période Anneke), Epica ou encore Lacuna Coil. Mais aujourd’hui point n’est besoin de parcourir l’Europe : Dizorder est français et la voix de Chloé change la donne.
Pourquoi ? Car dans de nombreux groupes de metal avec chanteuse(s), la voix féminine est réservée au chant mélodique, le chant guttural étant assuré par un homme. Chloé assure les deux et nous offre une sonorité moins usuelle : le chant guttural féminin, moins grave et sauvagement féminin. Autre grande différence, Dizorder ne cède pas aux sirènes du metal symphonique qui peut rapidement virer emphatique et boursouflé. Non, il a choisi l’âpreté d’un metalcore rude et efficace.
Pour s’en convaincre, il suffit d’écouter Moon Phases, leur premier EP sorti fin 2018 et en écoute intégrale sur leur page Bandcamp. Si l’intro de « First Moon » évoque une ambiance à la Linkin Park, la suite du titre est conjuguée au féminin musclé : Chloé use d’effets judicieux pour renforcer les changements de techniques vocales, chant, scansion, chant guttural. Les quatre gars qui l’accompagnent assurent un son compact et très énergique.
Dizorder soigne les intros de ses chansons et maîtrise l’art de faire monter la tension. « Love In Bood » ainsi que « Erinyes » (quelle belle partie de guitare !) n’y dérogent pas. La production léchée offre un son équilibré à chaque instrument, avec une belle image stéréo. « Erinyes » alterne les couplets mélodiques et les refrains en chant guttural laissant une impression de sauvagerie toute métallique.
« The Real Face » est certainement le titre phare de Moon Phases. Son énergie sombre, ses arrangements fouillés mais non grandiloquents, ses changements d’ambiance, son solo de guitare épuré en font le titre le plus abouti. Par ailleurs je dois humblement avouer à mon cher lecteur, ma chère lectrice, que je suis très tatillon sur les solos de guitare : ce qui n’a point d’âme ou s’épanche en bavardage technique et supersonique me lasse dès la première seconde. Ce ne fut pas le cas ici : on sent le solo travaillé, pensé et avec juste ce qu’il faut de technique sans démonstration superflue.
Pic(k) et sa jolie basse slappée est plus mid-tempo sans perdre la signature Dizorder : Chloé y chante autant qu’elle n’hurle y laissant sa marque rageuse. « New Moon » conclue Moon Phases. Purement instrumental, il permet à l’auditeur de se poser après ce court (trop court ?) voyage sur les terres de Dizorder.
Assurément, Moon Phases est prometteur. Dizorder est un quintet puissant au son compact et qui embarque. Le joyau est bien évidemment la voix de Chloé qui chante, scande, hurle et offre une énergie féminine nouvelle à la scène metal française. Et on sent qu’elle a encore de la marge : quelque chose me dit que sa voix va mûrir, gagner en assurance et en ampleur pour notre plus grand bonheur ! Rock on, girl !
Crédit Photographies : Juliette Plachez et Mathilde Miosec