Deafheaven – Sunbather : la contre-chronique
Deafheaven
Deathwish.Inc
L’art de la patience, du recul et de la bipolarité. Toute une histoire. Après le moment de la découverte, des quelques écoutes syndicales et des quelques mots écrits, ici et là, parce qu’il faut bien en parler pour se faire une part de ce gâteau impitoyable qu’est la guerre interstellaire du webzine, vient l’instant du tri dans la base de donnée de plusieurs téraoctets. Deafheaven, je l’avais suivi, comme la plupart comme un truc bien, l’astuce soyeuse post dans le marécage black, de l’ironie qui ricane, le buzz du moment, les louanges de la presse virtuelle et écrite. Faut le savoir, quand j’aime bien un truc, je l’achète, je le range et je laisse la tranche suffisamment visible pour remettre la tartine dans les enceintes. La cloche qui coince, c’est que je ne suis toujours pas en possession de ce « Sunbather » (sur lequel je m’étais un peu emballé ici)… « Meilleur album metal de l’année », je le rappelle, sur tous les forums underground d’hipsters planqués derrière leur clavier, la touche synonyme verbeuse prête à être dégainée. Y’a bien une raison… Outre que le top/flop annuel, aussi attendu qu’une news sur Star Wars VII dont tout le monde se fout, n’est qu’une piètre tentative d’autocongratulation fantôme et de léchage de boules. Et parce qu’il faut bien laisser sa trace numérique quelque part avant d’être oubliée, la chronique d’aujourd’hui, 2.0, n’est que le reflet opportuniste d’un marché parallèle où tout va vite. On ne joue pas avec des actions mais avec des simulacres de mots finement agencés.
« Sunbather », au final, ce n’est qu’une bouteille de pif qui vieillit mal montrant précocement un goût insidieusement râpeux sur la langue, goût dont le fumet cynique aura eu raison de ma lassitude. Pourquoi je choisis Deafheaven, finalement (d’autres sont bien placés sur ma liste) ? C’est le plus visible, le plus dans mes cordes aussi, un gros smiley jaune qui te nargue et que, de toute façon, tu n’as rien à dire à part reconnaître que ces mecs (en chemises) ont réussi leur pari Top/Clash/Buzz aussi passionnant que la nouvelle téléréalité du moment ou du dernier clip de Stromae. Un système de recherche qui te met directement les vidéos au moindre clic. Deafheaven, le mièvre câlin et le faussement bourrin sur une voix de canard qu’on gave, c’est de l’instantané, on fronce le sourcil d’un air concerné, ça te rappelle une phase d’un passé pas si lointain (black, hardcore, post-rock) dans un paquet cadeau sucré à la cannelle choupinou. On aime bien se faire dorloter, mais au passage, on ramène aussi les p’tits nouveaux.
A force de tout prendre, tout emmagasiner dans un coin de disque dur en plastoc (au lieu de la tête) on en oublie de vraiment fouetter la mayonnaise. Moins scrupuleux, plus volage, on laisse passer pour passer à autre chose illico, avant que le commentaire incendiaire du « on a rien compris à la démarche » et celui, aussi, du « on n’a pas mis de note » (que j’aime beaucoup) pointe le bout de sa gueule. Résultat, on en oublie le groupe, et ce qu’il a vraiment voulu faire (plaire à tous ? se faire plaisir ?). Eux-mêmes ne le savent pas, ce qui veut tout dire de la supercherie, mis à part plaire et que, de toutes façons, les commentaires tweet/clash/facebook se chargeront du reste et de votre personnalité actuellement aussi vide qu’une urne, ce qui équivaut à la consistance de Deafheaven.
Mesdames et Messieurs, si on parlait de musique ? Si on enlevait les commentaires grincheux et/ou masturbatoires, parce que ce n’est pas tout ça les gars, mais, « Sunbather ne restera qu’un fichier 00001100011101 de plus dans mon téraoctet et c’est bien là sa place légitime…
Jérémy Urbain
(Euh.. ben non finalement !/10)
Contre-chronique de :
http://www.clairetobscur.com/article-deafheaven-sunbather-119938460.html