Daniel Menche – Beautiful Blood
Daniel Menche
Alien8 Recordings
À chaque fois que j’aborde le cas Daniel Menche, je ne sais jamais comment commencer. Bon c’est vrai, j’ai un peu parlé du bonhomme dans une précédente chronique. N’empêche que… Il est toujours difficile d’aborder l’une des sorties de l’Américain en particulier. Parfois, les différences sont minimes, faut bien l’avouer, surtout pour le néophyte. « Beautiful Blood » fait partie de ceux-là. Je pourrais aussi vous parler de CE son sanguin que le monsieur a parfait avec les années. Et ça, c’est plus que vrai. C’est pourquoi je vous parle de cet album, finalement. Avec un titre pareil, on ne pouvait trouver plus explicite. « Beautiful Blood ». Tout un programme ! Toute une manière d’être, de faire, de construction. « Beautiful Blood ». C’est… Et bien c’est vraiment ça. Ces instants d’écoute sensitive (et attentive) du son qui vous donne vraiment l’impression d’être et de vous mouvoir dans du sang, le vôtre, et d’y prendre du plaisir.
On se voit naviguer à travers les artères, passer dans la veine cave, subir l’accélération de la pression, couler dans une veine. On touche les globules, leucocytes, ou autre part de nous-même. On est cette matière. On est sang et voyager dedans c’est étrange, effrayant peut-être, mais c’est beau aussi. C’est « Le Voyage Fantastique » de Richard Fleisher, mais sans sous-marin miniaturisé, sans tapage technique et science-fictionnel. Mouvement immuable et primitif en chaque être humain, flux organique, battement du coeur, rythme, vie.
Matière brute de/en fusion, étirement du temps, sensation liquide au travers d’instruments transformés (n’entendons-nous pas un piano poser des notes minimales ?). Et puis qu’est-ce qui gratte comme ça ? Ce simple grattement ou frottement qui prend des proportions indécentes de volume et d’espace. Daniel Menche transforme la matière, fais trembler l’environnement, la surface physique en deux pièces de 30 minutes chacune (sans titre). Il ne s’embarrasse pas d’une logique ou d’un concept fumeux. Il fabrique, empile. Il fait ordre de ce magma informe. Il lui donne une silhouette, une saveur, un goût. Celui qu’on a dans la bouche, primal.
Brut au décoffrage, « Beautiful Blood » date de 2003 et Menche, toujours dans sa sphère, poursuit sa route, faisant fi des modes ou d’une quelconque scène. Il est seul et nous donne à voir notre fluide.(l’extrait idéo ci-dessous ne provient pas de l’album, mais il en est assez proche dans le son, pour vous faire une idée…)
Jérémy Urbain (8/10)