Dälek – Abandonned Language
Dälek
Ipepac Recordings
Dälek a fait mal. Il a détruit les oreilles, plongé dans les abimes de l’urbanité. Son monde est fait de rouille, de dealers d’héro, de prisons ravalant l’Homme à son instinct primaire de prédateur. Tuer ou être tué. Son univers est glauque, déchiré dans les sifflements industriels qu’il a invoqué. Il ne peut refaire ce qu’il a déjà accompli. Sa barrière, il l’a déjà franchie, avec fracas et avalanches bruitistes titanesques. Le sang perlait déjà sur ses lèvres, le goût lui emplissant papilles et babines. L’impasse le guettait… Mais Dälek peut faire les choses bien. Poser son flow lent, monotone et incisif épaulé par Oktopus, comparse engendrant les sonorités les plus abstraites, les samples trifouillés à l’extrême, et cette ambiance décalée, sombre, poisseuse. Son écrin est digne d’une galerie d’art, son papier glacé, son design travaillé et attractif. Trop beau, trop propre même. Sa prose se délecte, ses paroles se savourent, s’étudient.
« Abandonned Language » est un concept qui attire et qui sait s’adresser aux autres, à moi, à toi. Un album contenant des pépites, des titres qui restent par leurs instrumentations cleans, nickels, atmosphériques et entêtants. Certains passages peuvent même appeler le post-rock dans ce qu’il a de plus mélancolique. Un rêve noir comme l’encre, une désespérance qui se fait plus feutrée mais néanmoins gargarisante, avec des spectres et autres isolements vaporeux qui convoquent David Lynch et ses pliements de réalités (dans le bien nommé David Lynch). Oh que oui, je le dirais jamais assez, c’est fort, c’est classe, mais ça passe après le déferlement « Absence« , son plus gros défaut. Sa convoitise a été forte, son avancée minime. Et pourtant, ça claque !
Dälek déçoit tout en comblant. « Abandonned Language » reste, malgré tout, de sa première à sa dernière seconde, bien que certains passages tournent à vide. Il est fort, puissant, putain ! Il repasse en boucle et garde son écrin. Dälek, je crois, est trop impliqué pour décevoir, et c’est pour ça que je les possède tous. Cependant, parce que je n’ai pas retenu, analysé, décortiqué tous les titres, il ne pourra jamais prétendre à la cheville du précédent. Et pourtant… Pourtant… On aime « Abandonned Language ». Putain !
Jérémy Urbain (8/10)
Oui oui oui oui et mille fois oui.