Cult Of Luna – Vertikal
Cult Of Luna
Indie Recordings
Posons un peu le décor voulez-vous ? L’industrie a atteint son apogée, l’être humain sait dorénavant contrôler le fer, le manier et le façonner à sa guise. Avec ça, il construit des immeubles vertigineux, des moyens de déplacement uniques, et toutes les usines servant à répartir cette détermination. Mais dans cette révolution énergétique, l’évolution reste verticale. Les hommes d’en bas, ceux des bas-fonds, triment jusqu’à l’épuisement dans des tâches inutiles et mutilantes. Ceux d’en haut, qui touchent les cieux, se prennent pour les nouveaux dieux dans leurs jardins synthétiques. Dans ce paysage grisâtre, les immeubles se découpent, rectilignes, déchirant le ciel et les nuages. Une sonorité analogique apparait convoquant les mélodies de Vangelis. Ce n’est pas « Blade Runner », mais on y pense. On ne se refait pas une version longue, on vit une interprétation d’un chef-d’œuvre, encore une fois. Vous savez lequel, je suppose…
Sur un appareil inconnu, entre l’imagination de Jules Vernes et la modernité électronique, on rase les habitations. On entend les hurlements des retranchés, les captifs des usines, les gloussements des nantis, les vis qu’on serre, la fumée qui s’échappe. On le perçoit, ce n’est pas une observation, mais un ressenti. Aller dans les cieux comme se terrer dans les entrailles de la Terre, hurler sa rage, son désespoir, laisser planer son regard sur cette idée dont on ne peut s’échapper, prenant la forme d’une cité aussi hostile que fascinante. Sortir les armes, faire chauffer son cœur, parler, crier, discuter, se renfermer. Progression lente, partir de l’indicible jusqu’au tangible. Toucher le froid du métal et se laisser perdre dans des questionnements existentiels. La bionique envahit l’organique. L’esprit s’égare, se glisse dans les méandres des rêves, vain échappatoire à une condition tragique. Puissance des instruments conjuguée à la cohésion d’un groupe, cette saloperie de robot ne supplantera pas le mécanisme indéfini de l’être humain. Mais ce dernier est retors et peut prouver sa cruauté, son mal-être, et par là même, sa connerie.
Une lutte qui cherche son sens, une atmosphère habitée, des lieux ternes, une émotion qui ne demande qu’à surgir, s’extirper de cette pathologie contagieuse et déposer le soleil envahir les rues, éclairant enfin ces immeubles, poussant ce brouillard artificiel et laisser les mains se serrer, se soutenir. La musique, plus qu’une personne, est médiatrice. Elle touche l’âme, fait réfléchir et nous redonne conscience. Cette verticalité, je n’en veux pas, je la refuse, je la rejette, je la détruis. Je n’appartiens pas à cet univers, c’est cet univers qui m’appartient, et aux autres. Une Lune est apparue, elle est froide, mais son contact restitue de la chaleur. Cet astre, c’est Cult Of Luna.
Le soleil se lève et « Metropolis », une fois de plus, revit par sept hommes dans toute sa force cathartique sans le côté bobo insupportable, parce que reprendre le monument de Fritz Lang, c’est classe, forcément. Loin de tous les clichés, les Suédois plantent un clou au milieu du front. Et croyez-moi, ça fait mal !
Jérémy Urbain (9/10)