Cowards – Hoarder
Cowards
Throatruiner Records/Ruins Records
Ils me font bien rire ces guides touristiques, ces cars de Japonais, ces Allemands en short pour Mickeyland, Amélie Poulain et son air d’accordéon. Ce n’est pas ce que j’en dis, moi. La merde, elle n’est jamais trop loin. Au coin de la rue, l’aventure, ça ne va pas plus loin. Je ne parle pas des déjections de ces putains de clébards en laisse. Je parle de la souffrance, du mal-être, des misérables et autres trous de balle qu’on croise dans la rue. Tiens, l’alcoolique du trottoir d’en face, par exemple. Celle qui a perdu la garde de ses enfants, qui a fait un nombre incalculable de stages de reconversion et avalé plus de litrons qu’on ne peut le faire en une vie. Le grognon du coin, celui qui parait sympa, un peu con quand même avec ses remarques douteuses racistes de merde sur les arabes et les chinois, accoudé douze heures au même bar, buvant ses canons en regardant le PMU. Peut-être sera-t-il l’homme du nouveau millénaire ? C’est comme le pseudo philosophe, celui qu’on croise dans la rue ou dans les parcs municipaux, portant ses mêmes fringues dégueux, pédophile sur les bords, le livre de philo qu’il n’a jamais ouvert. Kant, Kierkegaard, au mieux, c’est une marque de bière. Comme disait mon prof, plus le livre est gros, plus le mec est con. Et le vieux croulant ? Sa baguette sous le bras, il parle du vieux Paris, celui de la libération sans sa pension minable d’ancien combattant qui a flingué du gris. Connard…
Et puis, je vois de ma fenêtre ces étudiants sortants des pubs, bien bourrés, les filles à la jupe ras la moule, titubant, les regards pervers de leurs « copains ». Je les vois, je leur envoie un gros glaviot. C’est de ma part. Je leur cracherai, encore et encore, à la gueule à ces petits enculés et à leur pouffes. Moi, je suis dans mon placard de 15 m2. Je n’ai même plus assez d’argent pour avoir la télé. Internet, je n’y pense même pas, même plus. On me parle de fibre optique, réduction, geste commercial, alors qu’ils cherchent tous à m’enfiler. Vu ce que je gagne et dans ce que je vis et ce que je désire, il y a de quoi se flinguer. D’ailleurs, je suis en train d’huiler la culasse. J’aurai pu, hein, si je ne donnais pas de l’argent à mon psy chaque semaine. J’aurai pu, faut pas croire, hein, si je n’allais pas voir mon tatoueur pour qu’il marque ma souffrance à même la peau.
Je regarde les balles éparpillées sur la table, achetées à gare du Nord. Mais il est parti à Lyon, il avait commencé une grosse pièce sur mon torse. Mes poumons dans un noir et gris cradingue. Mais rien n’est plus crade que mon appart. Encore un peu et on pourrait croire que je sors de Lariboisière et de ces kilos de seringues usagées dans les rues adjacentes. Je ne bouge plus. Je bouffe les croquettes et les pâtés du chat. Il a crevé la semaine dernière, je l’ai retrouvé dans la cuvette des chiottes. Je ne prends plus le courrier. On frappe à la porte, je ne bouge plus, le téléphone ne sonne plus, je l’ai débranché aussi.
Je mets les balles dans le chargeur. J’entends la circulation dehors. Je retire la sécurité. Et dire que je ne vais plus revoir ces têtes de cons… J’enfourne le canon dans ma bouche, contre le palais. J’aurais bien tiré un coup avant, au lieu de me branler sur mes revues. Quartier de merde, mort de merde. Je presse la détente… Boum…
Jérémy Urbain (8/10)