Converge – You Fail Me
Converge
Epitath
Depuis le temps que je compare plein de trucs avec Converge (à tort ou à raison, quand on aime on ne compte pas). Il fallait quand même que j’en fasse un, au moins. Et, par ailleurs, c’est aussi l’occasion d’expérimenter une nouvelle forme de chronique écrite. Après la chro à partir de MP3, après la chro directement du CD (un objet de plus en plus rare), voici la chro à partir du vinyle d’un album que je connais par cœur. Tadaaa !! Voilà. Trois formats, trois façons d’écouter. Un peu pompeux ? Oui, peut-être, mais quand on se prend un couteau de chasse qui vous vrille le cœur, on ne la ramène pas. Converge, c’est l’arrivée triomphale du hardcore moderne avec ses codes propres dorénavant pompés à droite à gauche, un style à part entière soufflant le relent d’une révolution. Avec « You Fail Me », on entre dans l’antre de la bête, la gorge déchiquetée, les cordes vocales à l’air d’un chanteur habité, à la voix reconnaissable, pas plus impressionnant qu’un autre mais indissociable. Que serait Converge sans lui ? Rien, sans doute.
Ce projet, il le porte de tout son être, sa rage, sa langue passée à la ponceuse. Un éraillement que la guitare de Kurt Ballou suit dans ses dissonances, tellement années 90, une dimension supplémentaire, un coup de burin, un de plus, en plein cœur. Une ambiance d’apocalypse sachant accélérer et ralentir le moment opportun. Et ce fou furieux de Ben Koller ?! Le batteur qui a tout de la fusion entre la tarentule et de la pieuvre. Et voilà que je te blaste, et voici que je te fais des roulements herculéens, comme ça, avec la facilité la plus crispante.
Mais qu’est-ce qui y a à jeter quand ça coule comme l’huile dans une source ? Le parasite parfait de la société néo-libérale. Celui qui se tord, tel le ver intestinal, la virulence sur une production d’une crudité digne de Rungis. On frôle la perfection. Je dis bien « on frôle », car, avant, il y a eu « Jane Doe », la pièce maitresse, le maitre étalon, l’épitomé. « You Fail Me », quelque part, va plus loin, plus profond, plus adipeux, plus charnel (malgré un final en deçà). Il tord le corps dans ses breaks et autres syncopes incessantes. Il convoque le fantôme de Botch et de son empire. Il déchire les ligaments aux lames de rasoir, il garde les mains coupées dans des bocaux de formols, fièrement exposés.
Il marque, plus qu’un tatouage qui claque, plus fort qu’au fer rouge qui brûle. Il ne laisse que mue de peau et squelette nettoyé. Il est, sans aucun doute, mon favori, le plus frontal, âpre et par là fascinant. Il est ce qu’il est et ce que à quoi on le reconnait. Il est, typiquement et foncièrement, Converge…
Jérémy Urbain (9/10)