Convention Marillion 2015 : un week-end à Port Zélande
« Marillion Weekend Holland », Port Zélande, du vendredi 20 au dimanche 22 mars 2015
D’un côté, il y a Marillion, un groupe britannique qui nous propose depuis 30 ans une musique dite néo-progressive, brillante, inspirée, avec à leur actif plus de 15 millions d’albums vendus. De l’autre côté, et non loin d’ailleurs, il y a les fans. Ils sont nombreux, répartis sur l’ensemble du globe. Ces derniers sont des passionnés, des fidèles, ils ont grandi avec cette musique ou l’ont découverte sur le tard, parfois par hasard pour en tomber ensuite amoureux. Cette relation forte entre le groupe et son public est remarquable et assure à elle seule la pérennité du combo. Les responsables de Racket Records l’ont bien compris, et ils ont mis en place depuis une décennie une véritable stratégie marketing basée sur la vente de produits dérivés, l’organisation d’événements, avec comme principal support l’utilisation des outils fournis par la toile mondiale (ex : la souscription en ligne, qui permet de financer un album avant sa parution).
Les conventions en sont le parfait exemple. Qui peut se targuer de réunir plus de 3000 personnes un week-end complet autour de sa musique ? Marillion réussit cet exploit depuis 2007 aux Pays Bas (d’autres conventions, ou « Marillion Weekend », ont lieu au Canada et en Angleterre). Un complexe Center Parcs est privatisé pour l’occasion avec ses 700 logements et toutes ses installations : bars, restaurants, piscine avec jeux aquatiques, etc. Nous sommes à Port Zélande, au bord de la mer. Un chapiteau géant est monté pour accueillir une véritable salle de concert. Pour anecdote, le montage dure à chaque fois 15 jours et nécessite plus de 30 ouvriers. Les moyens techniques sont donc considérables.
Le temps de trois jours, du vendredi après-midi au lundi matin, nous vivons en immersion totale. Nous fréquentons des personnes passionnées, des gens que l’on ne connaît pas. Environ 50 nations sont représentées à chaque occasion, imaginez un peu ! Chaque soir, les musiciens nous proposent un thème, souvent un album joué au complet et une surprise pour la soirée de clôture du dimanche. Ce ne sont donc pas moins de trois prestations, toujours agrémentées de premières parties, qui nous sont offertes. C’est sans compter sur les innombrables événements connexes, tel que le dernier après-midi consacré à des échanges entre le public et le groupe via des quizz. Aussi, des musiciens confirmés vivront le moment de leur vie en remplaçant leur idole et en jouant avec le groupe sur scène. On appelle cela le « swap the band ». Les espaces du complexe grouillent de petites manifestations : soirée karaoké, soirée « blind test », rencontres entre fan-clubs, ventes de charité, échanges…
C’est une fête, une belle et grande fête, avec ses excès parfois. Elle est éprouvante physiquement mais nous donne un goût d’énergie positive tout comme le sentiment d’être bien vivant.
Vous l’avez bien compris, c’est un moment plus que spécial, une véritable faille spatio-temporelle, un autre monde. Avant de vous raconter la dernière en date, je ne résiste pas à la tentation de vous faire partager cette anecdote savoureuse. Aimant me promener durant les concerts (photographie oblige), j’aime aussi me prêter aux rencontres et partages. Deux policiers étaient présents pour assurer la sécurité en sus du staff d’agents habituel. J’ai donc demandé au premier d’entre eux si tout se passait bien. Je me souviens de sa réponse et de son sourire : « c’est génial, on a absolument rien à faire, juste écouter de la bonne musique« . Désolé, mais dans ces cas-là, moi je dis : « vive la police ! ».
Il est temps de parler de musique, me direz-vous. Une si longue introduction était néanmoins nécessaire, car il ne s’agit pas seulement de cela, vous l’avez bien compris, mais de moments de vie, je le répète.
Vendredi, 17h : nous arrivons à bon port, le chalet 492 nous est attribué. Nous passons récupérer nos t-shirts spécialement réalisés pour cette convention, et pour ceux qui l’avaient pré-commandé auprès du Web France. Le vêtement est très réussi, il fera des envieux. Nous rejoignons la tente vers 18h. La salle est déjà bien remplie. Le set commence avec une première partie de circonstance : Steve Rothery Band. Les titres du dernier album « The Ghosts Of Pripyat » sont interprétés. Le tout est absolument remarquable, savoureux, magnifiquement exécuté. On ne s’étonne guère que ce disque figure dans la liste des meilleurs albums de l’année 2014 (au sixième rang parmi les lecteurs du magazine britannique Prog). Notre guitariste s’amuse, il est toujours cependant concentré. Je reconnais son compère et ami de longue date Dave Foster, qui avait joué sur cette même scène avec The Wishing Tree en 2009. On retrouvera le claviériste le lendemain, l’italien Riccardo Romero avec son groupe RanestRane. Le temps a suspendu son vol comme à chaque fois avec Monsieur Rothery. Quel artiste, quel son !
Dès 20h30, Marillion arrive sur scène. L’intégralité de l’album « Anoraknophobia » sera joué ce soir à l’exclusion de « Number One ». Cette œuvre est certainement l’une des moins populaires de leur répertoire. Avec un « Between You And Me » de bonne facture, le tout passe très vite. Je me surprends à redécouvrir l’ensemble et à prendre un réel plaisir à l’écoute de titres comme « When I Meet God » ou encore « This Is The 21st Century ». Trois magnifiques rappels : « This Strange Engine« , « Gaza » et « Three Minute Boy » couronneront le tout. Le plaisir fut total, limpide et clair comme une belle source d’eau fraîche. La fête battra son plein à la Factory à la suite de cela, et l’ambiance restera festive bien tard.
Dès 9h le lendemain, nous voilà repartis. Nous nous rendons au stand merchandising qui n’aura pas désempli du week-end : disques, vêtements, livres, objets divers… Tout est fait pour vous faire céder à la tentation et vous délester des crédits de votre compte en banque. Vous avez beau dépenser de coquettes sommes, le simple sac portant le nom du groupe reste quand même facturé 2 euros, dommage.
Après quelques brasses à la piscine, de franches rigolades et autres discussions, nous nous retrouvons déjà en fin de journée. Au point de rendez-vous, ce sont les italiens de RanestRane qui ouvrent le bal. De fervents supporters nationaux sont près de la scène et font du bruit. Leur musique est agréable, sans plus. Le chant en italien, qui plus est, assuré par le batteur dont cela ne semble pas être son fort, suscite pour ma part beaucoup de réserves. Nous attendons avec grande impatience le retour de nos compères préférés. Et ce soir, ce n’est pas rien : l’album concept « Marbles » est à l’affiche !
« Invisible Man » inaugure le set. Non seulement le titre est superbe, mais les effets visuels sont de toute beauté. Cela démarre fort. Tour à tour, ce seront « Marbles I », « Genie », « Fantastic Place », « The Only Unforgivable Thing », « Marbles II » qui nous sont offerts. L’ensemble est parfaitement exécuté. C’est avec « Ocean Cloud » que les problèmes commencent. Les claviers de Mark Kelly y sont défaillants. Le pan latéral gauche de l’écran tombe également en panne. On sent un peu de flottement et de tension. C’est au lancement de « Don’t Hurt Yourself » que cela se vérifie. Irrité contre le claviériste pour un lancement de séquence raté (du moins, c’est ce que je crois avoir compris) et feignant un souci de désaccordage sur sa guitare, Mister H quitte la scène furieux et laisse les autres musiciens surpris et désemparés.
Il reviendra quelques minutes plus tard en nous disant avec humour « j’ai pris mes médicaments« . Conscient de cette faute, il s’excusera par la suite, notamment auprès du premier concerné. Cette scène rare reflète à mon sens le niveau de stress induit par l’utilisation de technologies complexes et le souhait de bien faire, d’où la frustration et la colère de Steve Hogarth.
En tous cas, le résultat est phénoménal. Les images proposées nous hypnotisent, c’est Simon Ward qui en est l’auteur. C’est tantôt un paysage crépusculaire et lunaire qui apparaît, tantôt un choc avec « Invisible Man » et le visage de Mister Hogarth qui s’affiche. Toute la technologie est là : lasers, images de synthèse, projecteurs automatiques, pyrotechnique, etc. De part en part, c’est magnifique. Un « Neverland » d’anthologie nous est offert comme une offrande avec sa pluie de confettis en guise de final.
Le show se termine sur trois rappels : « Out Of this World », « King », et enfin « Sounds That Can’t Be Made » qui révélera toute sa puissance. La soirée aura été sans surprise mais néanmoins fort plaisante grâce à sa mise en scène de haut vol. De fait, le public est resté assez calme, plus spectateur qu’acteur pour le coup.
Dimanche. Nous nous levons tôt. Je compte aller voir ce qui se passe du côté du jogging traditionnel proposé par Mark Kelly. L’ambiance y est conviviale. Je passe par le dôme où une rencontre entre fan-clubs est organisée. C’est encore l’occasion de partager, d’échanger.
En début d’après-midi, la tente ouvre ses portes rapidement : un quizz avec les membres du groupe est prévu, puis vient l’heure du « swap the band » où des musiciens amateurs et confirmés viennent remplacer leur idole le temps d’un titre. Cinq d’entre eux se sont relayés sur scène pour nous interpréter tour à tour « Gazpacho », « Splintering Heart », « Power », « Assassing » et « Garden Party ». Notons la prestation exceptionnelle de Martin Jacubski qui, sur l’avant dernier titre, a révélé toute sa puissance et tout son talent. Il n’est pas inconnu pour certains d’entre nous puisqu’il est intervenu avec son groupe de Tribute à Marillion au concert parisien du Steve Rothery Band. Notons également l’excellente prestation du tout jeune bassiste qui, sur « Gazpacho », a scotché Pete Trewavas. Nous avons encore passé un excellent moment, et il est temps de recouvrer des forces avant la soirée de clôture.
19h. Lifesigns déboule sur scène. J’attendais ce moment avec impatience tant j’ai pu adorer, écouter en boucle leur unique premier album éponyme. Dans un style très rock symphonique alambiqué et avec une forte assise rythmique et vocale, ils ne font pas dans le détail. Les mecs sont tous des musiciens de studio reconnus et accomplis, et cela s’entend. Je suis scotché par le jeu du batteur, le dénommé Frosty Beedle. Cela suinte de musicalité et de précision ! Nous avons l’occasion de découvrir quelques titres inédits augurant un prochain album (et pour information, un futur live CD/DVD). Un peu comme Yes, certains adorent, d’autres n’accrochent définitivement pas. Le son est hélas de piètre qualité et n’aidera pas à convaincre les réfractaires.
20h15. Fin de la première partie. C’est l’heure fatidique. Les paris vont bon train, ils sont parfois osés. On spécule sur une soirée spéciale « Misplaced Childhood » pour fêter les 30 ans du disque. Le logo « Marillion » à l’ancienne sur le fut de la grosse caisse renforce certaines convictions. La tension monte. Et cela sera au final… une soirée spéciale singles !
Je suis devant la scène et je n’ai jamais vu cela. C’est de la folie pure, la salle s’embrase avec « Market Square Heroes » puis « Garden Party », l’enchaînement « Kayleigh », « Lavender » et « Heart Of Lothian », « Warm Wet Circles », « Sugar Mice », puis enfin « Incommunicado ». Je dis enfin car ensuite, le tout retombe comme un soufflet et ce sera ainsi jusque la fin. Pour ma part, je suis réservé quant au choix des titres proposés : « No One Can », « Dry Land », « 80 Days », « See It Like A Baby », « These Chains », « Whatever Is Wrong With You ». La reprise « Sympathy » des Rare Birds trouvera cependant grâce à mes yeux, souvenir de jeunesse oblige.
Clairement, je regrette l’absence de titres du fantastique « Fugazi », tout comme l’absence de singles phares tels que « Cover My Eyes » ou de titres plus longs. C’est au final une soirée plus pop-rock que progressive. Les aficionados de l’ère Fish auront au moins pris leur pied. De toute manière, Marillion se borne à offrir pour chaque convention un contenu différent, cela reste à leur honneur et devient difficile à force au terme de cinq conventions d’affilée. Le groupe nous gratifie d’un rappel avec « Power« , et enfin d’un « Hocus Pocus » en guise d’au revoir. Cette chanson endiablée du groupe néerlandais Focus est une ode à la fête finale qui battra son plein encore tard dans la nuit.
Les néons sont allumés et le démontage commence déjà sur scène. Qu’importe ! Nul n’a l’air pressé de quitter l’espace. On s’embrasse, on commente, on rit, on fraternise. Les flashs crépitent. C’est l’heure des photos de groupe, c’est le rassemblement des 52 nations. Des écossais en kilts nous interpellent, un brésilien m’offre un pin’s à l’effigie du groupe, des allemands nous proposent de dîner avec eux, on voit des yeux pleins de larmes, c’est bon enfant, c’est unique, c’est « énorme » pour paraphraser mes amis.
Une convention Marillion n’est donc au final pas qu’une simple série de concerts, mais une fabuleuse et unique tranche de vie ! C’est pour cela qu’en général, on se donne toujours rendez-vous dans deux ans.
Sébastien Buret
(compte-rendu et photos)
https://www.marillionweekend.com/
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Article génial sur un événement qui ne l’est pas moins ! Bravo à C&O et à Sébastien (ton article casse la baraque !)
Superbe chronique qui relate parfaitement la magie de cette convention : émotion musicale, rencontres exceptionnelles, ambiance, convivialité…
Bravo SEB
parfait !superbement décrit.
Merci pour ces commentaires… Je me suis attaché à décrire l’ensemble car comme c’est indiqué, cela va bien au delà de la musique. Bonne journée !
Oaouh, quel début de soirée le dimanche ! je n’avais pas entendu Market Square Heroes et Incommunicado depuis ? ….. plus de deux décennies ?
Cause Seb is a Port Zelande hero gathering the storms to troop
Cause Seb is a Port Zelande hero speeding the beat of the center pulse the park pulse
Are you following him? Yeah! Are you following him? Yeah !
Bonjour,
Je me permets de vous interroger sur cet évenement car je vois que vous êtes bien informé 😉 ). Voilà, j’aime beaucoup Marillion mais je ne suis qu’au stade « débutant » LOL ! Je voulais offrir pour les 50 ans de mon compagnon le WE à Port Zelande mais n’y ayant pensé que fin octobre, ce WE était sold out. Grande déception ! je suis qd même inscrite sur une liste d’attente, mais je n’y crois pas trop. Je vais donc lui faire (le 19/4/2017) un « bon pour », mais je ne voudrais pas rater mon inscription pour la version 2018 ! Aussi j’ai qq questions à vous poser :
– y a t-il tout les ans un WE en immersion totale à Port Zelande ?
– a quel moment faut-il s’inscrire (ouverture des inscriptions) ?
– (et si vous savez) y a t-il des chalets à 2 places ? mais cette dernière question est secondaire.
merci d’avance pour votre aide.
Cordialement
Bonjour Monelle,
Si je ne me trompe pas, les conventions n’ont pas forcément lieu tous les ans. Cette année, il y en a 3, dont Port Zelande, mais aussi Lodz (Pologne) et Leicester (Angleterre). Le mieux est de vous rapprocher de The Web France, le site des fans français de Marillion : http://www.thewebfrance.com/weekend-2017/ et même de vous mettre en contact direct avec eux (il y a aussi un forum) !
En espérant que cette réponse, incomplète, puisse vous aider !
Musicalement