Conscience – Half-Sick Of Shadows
Autoproduction
2005
Rudzik
Conscience – Half-Sick Of Shadows
Les festivals ont été annulés en cascade en ce début d’année mortifère pour la création artistique (et pas que). Alors, on mesure le vide créé par cette année blanche de ces grands moments de convivialité musicale. On se plonge également dans ses souvenirs, surtout quand un email m’annonce la sortie du dernier album de Conscience. Bon sang, déjà quinze ans que j’ai découvert ce groupe parisien lors du RaismesFest 2005 où j’avais été scotché par vingt minutes d’un prog bien léché et pas mièvre pour deux sous. Du coup, j’avais chroniqué à l’époque un épatant Half-Sick Of Shadows bien défendu en live. L’occasion m’est donné de ressortir cette chronique disparue de la toile, en prélude à celle d’In The Solace Of Harm’s Way, leur troisième et dernier effort qui paraîtra donc prochainement. Voici donc, ce qu’étais ma « prise de Conscience » en cette fin d’année 2005.
En cette période post RaismesFest 2005, Gérald, leur leader de l’époque m’avait envoyé un gentil courrier commençant par « Tu te souviens de nous ? » Bien sûr que je m’en souvenais, faudrait que je sois frappé d’Alzheimer pour avoir oublié cette prestation accrocheuse, « On a enfin sorti notre premier album, je te l’envoie pour une chronique si le cœur t’en dit ». Je ne dirais pas que j’ai guetté le facteur tous les jours mais quand Half-Sick Of Shadows a débarqué chez moi, j’étais réellement impatient de voir si ce groupe avait la même application en studio que sur scène. A peine l’enveloppe à bulle ouverte, je découvris un skeud à l’artwork particulièrement soigné. Jugez en : un CD plus un DVD du making-of pas chiant et retraçant la bio, le tout inséré dans un tryptique aux tons rouges orangés qui m’a mis l’eau à la bouche. Oui mais voilà, je venais de tomber de haut pour une autre chronique avec un CD qui avait de la gueule… jusqu’à ce que je l’écoute ; sic ! Eh bien avec Conscience, rien de tout ça, le contenu est à l’image du contenant : remarquable. Certes, le combo affiche tout au long de cet album ses références parfois très outrancières à Pain Of Salvation, (« The Cycle ») et à Dream Theater période Images and Words (« Our Lives ») et 6 Degrees Of Inner Turbulence (« When It’s Over »). Mais comment ne pas se réjouir de compter dans l’hexagone un groupe de prog de ce calibre capable de proposer dès le premier album une œuvre aussi aboutie ? Je pensais alors à Lord Of Mushrooms, Forgin Fate, Aching Beauty, des groupes français prometteurs (mais qui ont disparu de la circulation depuis).
Les atouts de cette galette sont incontestablement la maîtrise technique des musiciens qui évitent soigneusement le piège de la démonstration, la qualité et l’inventivité des compos, la capacité à jouer sur les ambiances entre chaque morceau mais aussi à l’intérieur d’un même titre, la qualité et la variété du chant et des arrangements vocaux (avec parfois quelques growls discrets). Conscience maîtrise également parfaitement (trop ?) tous les schémas spécifiques du metal prog. Côté négatif, même si la production est très honnête pour un autoproduit, quelques petits défauts apparaissent ça et là avec une sonorité de caisse claire qui rappelle celle du St Anger de Metallica (non j’déconne… quoique !), des vocaux superposés qui deviennent brouillons (les « same planet » sur « Different Gravity ») et un clavier un peu écrasé par les grattes. Certaines reprises de break sont laborieuses non pas parce qu’elles sont mal exécutées mais plutôt parce que le combo a parfois du mal à trouver le feeling pour fluidifier les enchaînements (« The Cycle », « I Can Understand »). Et puis, j’en ai parlé, les influences de Conscience sont un peu trop évidentes. Pourtant, si l’on met tout ça sur une balance, le fléau penchera très avantageusement du côté positif. Les deux premiers titres et le dernier de Half-Sick Of Shadows sont ceux qui avaient été joués au RaismesFest 2005. Il s’agit des piliers de l’album, des valeurs sûres contrebalançant le masterpiece « The Cycle » beaucoup plus aventureux comme les productions de la bande à Daniel Gildenlöw dont il s’inspire. Après une intro névrotique à souhait, « Through Our Shadows » met sur la table tout l’arsenal du groupe en matière de changements de rythmes et d’oppositions de styles agressifs ou plus éthérés avec quelques sonorités de claviers orientales. Un excellent solo de gratte clôt ce titre très punchy. « Different Gravity » est dans la même veine dans un climat cependant nettement plus sombre car imprimé par des passages de chant écorché vif. Les parties plus légères permettent d’apprécier un jeu de basse virevoltant. Là aussi, le son des six cordes s’alourdit en bénéficiant de l’apport d’un orgue Hammond flamboyant. Place ensuite aux douze minutes de « The Cycle » où Conscience, après une très longue intro aérienne, fait étalage de son savoir-faire grâce à des vocaux et des arpèges de grattes très travaillés qui leur permettent de toujours trouver la note idéalement adaptée à chaque partie de ce titre épique et martial. J’avoue avoir été bluffé par la capacité des Parisiens à habiller sur mesure leurs rythmiques infaillibles. Les claviers se réduisent au piano sur les titres suivants. « Our Lives » est remarquablement interprété avec même quelques pointes de groove et de basse slappée. Cependant, à mon sens, le blastbeat de batterie en fin de plage ne s’imposait pas. « I Can’t Understand » illustre le côté parfois laborieux des enchaînements que je citais précédemment avec cependant des vocaux jouant sur tous les effets possibles. Il n’en demeure pas moins le titre le plus faible du CD. L’acoustique « Then Came » permet de souffler un peu en proposant une très agréable performance au piano juste avant l’énergique « When It’s Over » musclé à souhait dès les premières mesures sur lequel, là encore, la voix de Matthieu excelle pour juxtaposer des ambiances variées. « Curse Of The Mortal » est également très épique et se révèle un peu le pendant « metal » de « The Cycle ». Les notes et riffs de grattes sont encore très judicieux et aussi très émouvants. Cela montre encore, s’il était nécessaire, que le combo est réellement doué pour les faire coller à l’effet souhaité. Les notes cristallines de guitare soutenues par des nappes de clavier s’opposent à des riffs bien gras et une large place instrumentale est ménagée sur ce titre avec même quelques chœurs grandiloquents. Tout cela est parfait pour clore la galette. L’outro est dans la lignée de l’intro et même de l’ensemble de cette œuvre où l’optimisme n’est pas de mise car elle traite de la folie humaine.
Mon objectivité m’a conduit a faire état de quelques péchés de jeunesse mais il est indéniable que Conscience avait un potentiel créatif et technique hors normes qu’il parvenait à exprimer remarquablement sur ce prometteur Half-Sick Of Shadows. Pourtant, l’essai ne fut pas transformé avant neuf ans pour un retour sur le devant de la scène avec Aftermath Of A Summer Snow et désormais In The Solace Of Harm’s Way concocté par un line-up renouvelé à presque 100 % dont l’inspiration des textes continue à provenir des poèmes de Nicolas Moulard, auteur français vivant à New-York depuis de nombreuses années. Mais ceci est une autre histoire que je vous conterai très prochainement, croix de bois, croix de fer…
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