Clairo – Charm

Charm
Clairo
Clairo Records
2024
General Eclectic

Clairo – Charm

Clairo – Charm

Les premières notes du dernier album de Clairo m’ont immédiatement replongé dans une époque où le smartphone n’était qu’un rêve de geek boutonneux et féru de science-fiction. Et je repense à cette jolie dédicace d’une camarade de classe en fin d’année sur mon cahier : « Le baiser, la seule douceur qui ne fait pas grossir ». Eh bien, Clairo nous offre avec ce nouvel album intitulé Charm un petit plaisir coupable, à l’arrière-gout seventies, qui fond sur la platine comme un caramel dans la bouche, sans toutefois toucher à notre ligne.
En seulement trois albums, Claire Cottrill alias Clairo a su tracer un parcours artistique singulier. Charm marque une nouvelle étape dans son évolution : elle affiche une surprenante maturité musicale, riche en sonorités. La collaboration avec le producteur multi-instrumentiste Leon Michels (Menahan Street Band, El Michelsaffair et ex Dap Kings) apporte une dimension supplémentaire avec des arrangements vintage soignés et une production impeccable. Sortant définitivement de la « bedroom pop » (genre qui a souvent été associé à ses 2 précédents opus, Immunity en 2019 et Sling en 2021), Charm explore avec brio un univers musical éclectique et cosy, mêlant folk, soul et touches électroniques. Et puis, il y a la sérénité de la voix intimiste de Clairo qui, tout au long des 38 minutes de l’album, évoque irrésistiblement celle de Vashti Bunyan.

Clairo – Charm band1
« Nomad » ouvre l’album comme une brèche temporelle chaleureuse et chic qui n’est pas sans rappeler les cowboys junkies de l’époque de Caution Horses avec ses savoureuses slides guitares : la voix de Clairo offre un accueil chaleureux pour les anciens et les nouveaux fans tel que moi. Elle construit une mélodie douce-amère avec de jolies paroles telles que : « Je courrais le risque de tout perdre / Vendre toutes mes affaires, devenir nomade / Je courrais le risque, et juste au cas où je pourrais / vendre toutes mes affaires et devenir la nuit ». Dans « Sexy to Someone », le deuxième titre et premier single, le rythme est plus entrainant avec quelques sonorités électro délectables. Clairo poursuit l’exploration du désir d’être désirée et chante sur un ton léger : « Sexy pour quelqu’un, je pense à tout cela / Je quitte l’hôtel ou je suis dans un bar / Je demande si je suis dans un film, non, je n’ai pas eu le rôle ». Elle exprime cette envie à travers chaque piste de l’album, avec un son résolument vintage dans la structure, mais moderne dans les détails. Elle tisse par-dessus des paroles qu’elle puise dans sa fraicheur avec la sagesse de celle qui égrène les expériences. Sa voix feutrée donne l’impression qu’elle nous murmure à l’oreille des secrets, des confessions ou de simples réflexions personnelles. « Second Nature » prends par exemple la forme d’une ballade jazzy très réussie construite autour d’un piano langoureux illustrant le mouvement de deux personnes qui se rapprochent lentement jusqu’à se toucher et tout devient naturel « comme la sève du cèdre, qui descend pour être près d’elle… c’est une seconde nature » nous dit-elle, la clarinette (joué par Leon Michels lui-même) clôturant le morceau comme des points de suspension. « Slow Dance » s’inscrit dans une continuité logique. Clairo évoque, sur fond de piano léger, une lutte intérieure entre le désir d’intimité et la peur de se laisser aller complètement. La question « Qu’est-ce qui fait qu’un pied reste dehors et que l’autre rampe dans le lit ? » résonne, capturant l’essence de l’indécision amoureuse. La danse lente devient alors une métaphore où chaque pas symbolise une tentative d’équilibre entre attraction et répulsion. Clairo nous invite à plonger au cœur de ces émotions et à ressentir cette ambivalence. Le rythme entraînant de « Add Up My Love » vient un peu animer la suite avec une ballade nostalgique, explorant les nuances de la solitude amoureuse tout en laissant certaines questions en suspens. « Mes mains posées sur ta nuque te manquent-elles ?  » interroge-t-elle, ou encore « Mon rire te manque-t-il ? ». Mais avec « Echo », l’ambiance change, des synthés planants donnent à la chanson une ambiance trip-hop de fin d’été à la Zero7. La voix de notre Cottrill s’estompe tandis qu’elle se lamente doucement « notre amour est censé être partagé/alors que notre amour ne va nulle part ». L’album lui continue sa petite bonne femme de chemin avec encore deux jolis titres : « Pier 4 » et « Glory Of The Snow ».

Clairo – Charm band2
Si Charm reste à mon gout un peu trop centré sur un thème principal, la diversité des ambiances musicales et l’évolution des sonorités évitent à l’album de glisser dans la monotonie. Clairo parvient à insuffler une fraîcheur à ses chansons, grâce à une écriture mature et à une sensualité assumée qui mêle émotions corporelles et réflexions personnelles. « Tu me donnes envie d’acheter une nouvelle robe », murmure-t-elle dans « Juna », ajoutant juste après : « Tu me donnes envie d’enlever une nouvelle robe». L’influence jazzy et soul, apportée par le leader des El Michels Affair n’est surement pas étrangère à cette montée en puissance. Le philosophe Alain disait très justement « Un charme est ce qui subjugue, plutôt que ce qui plaît » et c’est précisément cet effet que produit l’album : difficile à quitter une fois lancé sur la platine.

http://clairo.com/

 

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