Chat Pile – God’s Country / Tenkiller

God's Country / Tenkiller
Chat Pile
Flenser Records
2022
Jéré Mignon

Chat Pile – God’s Country / Tenkiller

Chat Pile God's Country Tenkiller

Bienvenu à Oklahoma City, centre de l’Amérique. L’Oklahoma, c’est de la plaine, et comme c’est de la plaine, c’est plat. Et comme c’est plat, c’est moche, tout comme son histoire qui ne se distingue en rien, si on excepte le pétrole et la déportation des natifs américains. Situé, en plus, sur l’Allée des Tornades, qui se frayent allégrement un chemin à chaque printemps à travers le pays, Oklahoma City peut aussi compter sur des habitants croyants, rigoristes et conservateurs, tendances punitives et toxiques pour parfaire cette carte postale de décorum dévasté. C’est que Chat Pile, ça ne rigole pas franchement des masses. De l’humour ? Du noir, du contaminé, du plomb, ça reste désespéré, lugubre et… Rien que le nom du groupe… Chat Pile, en bon argot, désigne des monticules de déchets toxiques provenant directement de l’exploitation du zinc et du plomb. Bref, du bonheur en instantané…

Bienvenu dans le Midwest de miteux pour pisseux. Ici, le quartette dresse le portrait d’allumés et de laissés pour compte, de camés et de suicidés, de meurtriers et d’isolés. Bref, de ce que la zone rurale typique sait donner de mieux. Ennui et immobilisme, violence et souffrance, désespoir et tourments. God’s Country (ironie…), est, de ce fait, noir, abrupt et anxiogène. Il donne suite à deux EP de pyromanes Remove Your Skin Please et This Dungeon Earth, aux cendres tout aussi chaudes pour mieux tailler dans la finition.

Chat Pile God's Country Tenkiller Band 1

Ici, ça patauge dans le noise rock, sauvage, tordu, industriel. Quelque-part entre Jesus Lizard, la manufacture Godflesh et Today Is The Day avec même des pointes nu-metal à la Korn. Si, c’est possible, du moins avec cette ambiance cruelle de pouilleux. Chant passablement dérangé, pas vraiment contesté mais largement possédé car God’s Country c’est de la menace en spoken-word, de la violence braillée et de l’imprévisible éructée. Toujours surprenant, toujours asphyxiant mais jamais là où on peut l’attendre. Un logo de groupe black metal, combien se sont fait avoir ? Et que ça déambule sous ponts, parkings, zones industrielles façon Breaking Bad qui s’est trompé d’adresse. C’est laid, comme si The Cure s’était fait enculer. Ça sent le sludge, celui qui martèle, qui suinte la folie et cette noise incisive qui décape un tableau déjà pas glorieux. La tristesse d’ensemble rebondit dans le miroir d’un quotidien sordide et honteux pour se terminer dans la semi improvisation de son final « Grimace_Smoking_Weed.JPEG » aussi psychotique que succulent.

Chat Pile God's Country Tenkiller Band 2

La digestion est lourde, le transit… hasardeux, saumâtre et pourtant, les gars ne se reposent pas et enchaînent avec une bande-son d’un film indépendant. Tenkiller. L’histoire ? Celle d’un petit gars, à peine majeur, qui découvre les « joies » de la vie. Décès, séparation, violence, solitude, déchéance. Atmosphère… Noir, dur mais cohérent. Cohérent mais plus espacé, distant et « aéré ». Les interactions se font plus courtes et épurées sans perdre cette férocité latente, cette ambiance « vie de merde ». Par contre, ce qui change, c’est la lumière, le bruitisme, l’instrumental et l’expérimental tout en composant trois nouveaux titres. Un hilarant, un flippant, un punitif. Après, je veux juste voir le film. Une bande-son qui te donne envie de voir les images, c’est bien des fois. Alors… C’est étrange, oui. Déviant, oui. Instable, de même. Forcément alors, c’est excellent ! Et peu importe les différentes facettes de la même grimace… Comme la rouille, Chat Pile se diffuse mieux avec le temps.

https://chatpile.bandcamp.com/music

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.