Boredoms – Super Ae
Boredoms
Birdman
Il y a des moments où c’est vraiment difficile d’écrire sur un disque. Surtout quand on entre dans une terre vierge où le mot d’ordre est « Liberté ». Liberté d’entreprendre, de faire, de créer. Je pourrais faire une chro juste avec des onomatopés, du genre Poum Tchac Tchac Tchactchactchac Wiiiiiiiiiizzzzzzzzzzzzzzzzzzzz Waaaahhhhaaa Poum pum Poum pumpum. Je pourrais aussi faire le jeu des comparaisons métaphorisées, que Magma s’est réincarné au Japon, que Christian Vander, on se demande comment, s’est démultiplé, parce que taper un rythme tribal, c’est vachement plus rigolo quand on est plusieurs, n’est-ce pas ? Et parce qu’on a fait ça avant ces petites têtes de Melvins ! Piup Zahia zahia piuuup wiiii shooooo, pip pip, tut tut tut zchhh… Tellement jusqu’au boutiste, jusqu’à se foutre le doigt au plus profond de l’orbite et s’enlever un manche à balai du derrière de plus de deux mètres. Pink Floyd n’est jamais bien loin. Enfin, un Pink Floyd qui aurait pris des excitants en bon cocktail qui décaperait ma porte de garage au chalumeau.
Ti tititioing Oh ouééééé ahhh Eéééééééé… Et parce qu’on a aussi des choeurs à moitié débiles, mélangeant tous les chants tribaux de l’hémisphère, que le bordel total n’est jamais loin, que la logique musicale, c’est pour les fiottes, que rien ne vaut une bonne dose d’hallucinations calibrées, mais pas toujours contenues, à faire péter les yeux globuleux des Residents comme un fruit trop mur. Sproutch... Et parce que les breaks sont légions, que le délire n’exclut pas la mélodie au milieu de malaxage électro Game Boy, avec par exemple un Richard Wright coincé dans Tétris en mode punk noise progressif ! Et que ça coupe pour reprendre, et pas vraiment, mais si voyons, et que toutes les écoutes d’une vie ne suffisent pas pour qualifier cet objet délicieusement barré spaceeee oh Oooooooo AAhhhhhh. Et que, finalement, les mots sont bien insuffisants pour rendre compte du plein de super.
Du Super Going, du Super You, Are, Are You. Du Coming, du Going, Shine et Good. Boredoms n’appartient pas à cette planète, ses sonorités viennent d’ailleurs, aux confins d’une autre galaxie et autres trous noirs en formation de matières instables. « Super Ae » défit tout argument, il respire, il est sa propre logique, son propre défouloir, son brouillon de peinture/dessin/sculpture brut, à faire dresser les cheveux de Jean-Michel Basquiat en crète punk. Ouais, il y a des moments où c’est vraiment difficile de dire quoi que soit, quand ça dépasse l’entendement.
Jérémy Urbain (10/10)