Beardfish – +4626-Comfortzone
Beardfish
Inside Out
« The comfort zone is the invisible protective suit of negative thinking, almost like an entity of itself… ». C’est cette partie de nous-mêmes, négative, que Beardfish cherche à nous faire découvrir avec son huitième et nouvel opus. Après nous avoir laissé, en 2012, sur une note metal avec « The Void » (à l’instar de « Mammoth » précédemment), la formation suédoise débute l’année en 10 titres tel un éventail à large spectre, renouant avec les sources progressives. C’est à se demander si nos amis des pays nordiques n’ont pas de racines anglo-saxonnes ! Retour aux ambiances purement progressistes donc, qui nous renvoient directement aux grandes années 70/80. Et sans vouloir comparer ceci avec cela, je n’y ressens que du plaisir avec ce délicat parfum évoquant certains « vieux groupes », King Crimson en particulier.
« The One Inside », morceau qui ouvre le bal, se partage ainsi en trois parties reprenant le même thème, mais réarrangé différemment à chaque reprise. Celles-ci sont placées en introduction, au mitan et à la fin de l’album, tel un point de repère nous rappelant l’ambiance à la fois dépressive et mélancolique voulue par nos quatre compères (originaires de Gävle, indicatif téléphonique « +26 », et « +46 » pour la Suède ; et voilà que, par déduction, on comprend la première moitié titre « +4626 », c’est bon, nous y sommes ! Bref !). Cette orientation assumée est particulièrement évidente sur la « Part Two : My Companion Through Life », avec son bel arpège reposant de guitare acoustique signé David Zackrinsson, qui cherche ici plus que jamais à nous asseoir dans notre propre zone de confort.
A ce propos, si la définition réelle de la « zone de confort » est celle développée par le titre éponyme durant presque 10 minutes, alors dans ce cas, laissez-moi y errer ad vitam æternam… Un phrasé de guitare qui me rappelle un Robert Fripp en pleine exécution de « Starless » (gentiment repris, au passage, par Craig Armstrong en 2002 sur l’album « As If To Nothing« ) et un chant envoûtant à la Alan Parsons Project. Pas de comparaison (et encore moins de « pompage ») comme je l’ai affirmé plus haut, mais de belles influences tout autant agréables que finement apposées sur une composition magistralement bien structurée et équilibrée.
Le bonheur se répète avec « Ode To The Rock’n’Roller », du haut de son quart d’heure de musique. Nous voilà ici à l’apogée du talent de Rikard Sjöblom qui, en plus d’assurer un chant impeccable, tient son orgue tel un Jon Lord en état de grâce (paix à son âme ! Depuis 2012, celle-ci doit ravir les anges et les démons !). Signalons que le maître instrument remplit l’espace généreusement sur tout l’opus, sans jamais complètement l’envahir.
Pour rester sur le thème de la générosité, c’est avec un plaisir coupable que « nous tenons bon » à l’écoute d’ »Hold On », un titre percutant qui, malgré ses ruptures rythmiques, ne faiblit pas et garde une énergie débordante d’un bout à l’autre. Deux morceaux au style plus heavy, « King » et « Daughter/Whore », cherchent à se marginaliser un peu par rapport à la tonalité d’ensemble. La voix sait s’y faire un peu plus « gutturale », posée sur une écrasante basse/batterie et une guitare énervée où David Zackrinsson impose une fois de plus son doigté imparable.
Ainsi donc, 15 années déjà après leur premier ouvrage, Beardfish tient bon son incroyable slalom stylistique entre chaque parution d’album, et trouve ici sa zone de confort, son assise, sa plénitude… Avec « +4626-Comfortzone », le quartet suédois nous offre (enfin !) la référence indispensable de sa discographie, avec certains morceaux qui, à n’en point douter, deviendront vite de futurs classiques en concert.
Olivier Dominici (8,5/10)
[responsive_vid]